27 avril, 2014
New Brief
Hajnalka Vincze
New Brief
Industries d’armement
A l'attention des entreprises européennes d'armement: QinetiQ contraint de se retirer du marché de défense US. Au suivant... QinetiQ se voit donc contraint de vendre sa division Services US. C’en est donc fini du rêve américain pour cet ancien joyau de ce qui fut jadis la BITD (base industrielle et technologique de défense) britannique.
Partie à la conquête du marché US, acceptant même un « proxy agreement » qui l’a rendue de facto américaine, l’entreprise a dû finalement se rendre compte de ce que l’on avait déjà noté à propos de BAE Systems : « en cette période de coupes budgétaires massives, même cette américanisation exemplaire ne suffit pas. La société commence à souffrir outre-Atlantique de sa nationalité résiduelle, et de ses origines pas 100% US. » A noter cette phrase de Leo Quinn, PDG de QinetiQ, interviewé par Reuters : « C'est un marché dur, nous étions en situation de désavantage sur le plan concurrentiel, nous avons donc décidé que les affaires [de la division US] auraient de meilleures perspectives dans une entreprise de nationalité américaine »… ?
(QinetiQ To Sell US Services Division, Defense News, 22 avril 2014)
Ukraine
1. « Que diable vient faire un destroyer américain en mer Noire? » A propos de « l’acte de provocation sans précédent » (i.e. survol à 12 reprises au moins) dont le navire de guerre USS Donald Cook a fait l’objet de la part d’un chasseur-bombardier russe dans les eaux internationales de la mer Noire, le Lexington Institute pose la seule question qui vaille : « Que diable vient faire un destroyer US en mer Noire ? »
Pour l’auteur, « envoyer un seul destroyer dans un endroit que les Russes considèrent presque comme leurs eaux territoriales, leur Chesapeake Bay », n’a tout simplement pas de sens. D’autant que « Les Russes savent qu'il n’y a pratiquement pas de forces américaines disponibles pour venir à l'aide du USS Donald Cook si elle se trouve en difficulté. La sixième flotte américaine n'est que l'ombre d’elle-même. L'US Air Force en Europe eut jadis plus de 800 avions de combat sur le continent ; aujourd'hui, elle en a environ 130. L'armée de terre américaine en Europe est réduite à deux brigades de combat ».
D’où un retour à la question de départ : « Etant donné que l'administration Obama n'a ni le goût ni les capacités pré-positionnées pour s'engager dans une confrontation militaire avec la Russie, que diable vient donc faire un destroyer américain en mer Noire ? ».
La réponse est pourtant simple. Il vient faire du show; pour que l’Amérique « réassure » ses alliés européens – et surtout qu’elle s’assure leur allégeance à peu de frais. Sauf qu’il faut être fichtrement croyant pour refuser de voir ce que les Russes savent déjà. Sur le terrain du réel, les gestes de pur symbolisme (pour ne pas dire d'imposture) ne font pas le poids. ?
(Daniel Gouré, What the H*ll Is A U.S. Destroyer Doing In The Black Sea?, Lexington Institute, 15 avril 2014)
2. Il était temps. Derrière l'unité factice d'une Alliance soudée par des garanties toutes-puissantes, les premières dissensions se font (discrètement) entendre. D’après le New York Times « L’Europe de l’Est s’inquiète de la capacité de l’OTAN à freiner la Russie ». L’Alliance est restée beaucoup trop en retrait selon certains Etats membres (à sa frontière orientale notamment). Et le NYT de préciser que cette inquiétude ne porte pas seulement sur la capacité, mais aussi et surtout sur la volonté de l’OTAN de faire face à la menace russe. En raison de l’attitude de certains alliés en Europe occidentale, peu enclins à pénaliser drastiquement leurs relations commerciales avec Moscou.
L’article cite l’ancien ministre de la défense de la Lettonie, Artis Pabriks, selon qui « Pour nous, ce n’est pas une question d’argent, mais une question existentielle ». Tandis que les autres sont, semble-t-il, motivés par leurs seuls intérêts mercantiles. Et on donne tout de suite la liste de ces moutons noirs: la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, tous ayant « d’importants liens d’affaire et énergétiques » avec le régime moscovite. Ceci étant leur seule et unique préoccupation, au moins d’après l’article.
Mais alors, qu’en est-il de l’Amérique ? Au fait, c’est là que l’article du NYT devient intéressant, en admettant – contrairement aux fanfaronnades de l’OTAN – que le soutien US est, jusqu'ici, « très symbolique ». Bien sûr, dans le cas de Washington, c’est pour des raisons nobles, à savoir pour « ne pas ajouter de l’huile sur le feu ». Mais peu importe aux yeux de Riga, Vilnius ou Varsovie. Ils focaliseront sur le fait que « l’administration Obama jusqu’ici rejette l’idée (…) d’augmenter de manière significative la minuscule présence des troupes US/OTAN » Les soi-disant envois de troupes sont en réalité des relocalisations temporaires de forces déjà stationnées sur le vieux continent.
D’où une certaine impatience exprimée par les alliés les plus zélés de l’Amérique. Selon le président estonien : « Tout ce qui a été dit sonne fort bien, et l'OTAN a annoncé diverses mesures aériennes et maritimes. Mais quand cela commencera à être réellement mis en œuvre, ça sonnera et ça paraîtra encore mieux ». Et le même d’ajouter que ce dont ils ont besoin « ce sont des bottes sur le terrain, une présence dans la région ». On en revient donc au rôle traditionnel d’« otage » des troupes US stationnées en Europe (pour compenser l’incertitude de l’engagement américain via l’article 5 du traité de Washington).
Les propos de l’ex-ministre letton traduisent plus qu’une impatience, un certain agacement. Pour lui, les opinions publiques baltes et polonaise ne sont pas convaincues par les récentes annonces de l’OTAN (le fameux « paquet de réassurances »). En effet, les divisions au sein de l’OTAN pourraient encourager le président Poutine de tenter sa chance. « S’il le fait, et si l’OTAN ne réagit pas avec force, alors l’OTAN est morte ». « Nous devons signaler clairement qu'il s'agit d'une ligne rouge, pas une ligne rouge comme en Syrie, mais que si vous traversez cette ligne, nous allons tirer ». NB : M. Pabriks sait bien de quoi il parle quand il envoie cette petite pique, puisqu’il était en fonction lors de la crise en Syrie…?
(Steven Erlanger, Eastern Europe Frets About NATO’s Ability to Curb Russia, The New York Times, 23 avril 2014)
Géopolitique
Etude remarquable sur « l’empreinte » militaire US dans le monde. Actualité oblige, reprenons d’abord quelques observations sur l'encerclement systématique de la Russie. « À la faveur de la désintégration de l’URSS et de plusieurs équipées militaires (dont celle menée, sous couvert de l’Otan, en Yougoslavie), les États-Unis ont avancé de façon décisive en direction de la Russie (…). Ainsi, en Europe, ils s’installent en Albanie, en Roumanie, en Bulgarie… Plus officieusement, grâce à des liens d’« amitié » qui ont permis l’élargissement de l’Otan, les États-Unis se ménagent une démultiplication des possibilités de circulation dans les airs, d’atterrissage ou d’accostage. Au-delà des Balkans, ils ont fait une arrivée remarquée au cœur de l’espace caspien, comme en Azerbaïdjan et au Kirghizistan »
Pour ce qui est des chiffres globaux, il faut calculer avec plus de 1000 bases et plus d’un demi-million de soldats US dispersés dans le monde(et c’est sans compter les effectifs des sociétés militaires privées ni les fameux sites noirs).
A noter aussi quelques remarques faites par les auteurs sur l’implication du Royaume-Uni et de l’Australie (les deux pays érigés en modèle pour tous les autres alliés dans le dernier Quadrennial Defense Review des Etats-Unis). D’une part, « le pays membre de l’Union européenne disposant d’un réseau d’installations couvrant la totalité du globe et le plus étroitement intégré au dispositif armé des États-Unis est le Royaume-Uni ». Intégré au point que Londres n’est même pas toujours correctement informé de ce que l’Amérique manigance sur le territoire britannique.
A l’autre bout du globe, « Les États-Unis ont sur le sol australien plusieurs bases dont les sites sont classés top secret – tout comme le nombre exact de soldats présents –, ainsi qu’un centre d’écoute électronique à Pine Gap près d’Alice Springs. (…) Les intérêts stratégiques australiens qui couvrent un triangle Pakistan-Inde, Sibérie russe-Chine-Japon et Pacifique, sont aujourd’hui clairement soumis à ceux des Etats-Unis – l’objectif étant de se tenir prêt à une éventuelle intervention menée sous commandement états-unien en Asie ». Si ce n’est pas un exemple à suivre…
(Rémy Herrera - Joelle Cicchini, Notes sur les bases et les effectifs militaires états-uniens à l'étranger, Documents de Travail du Centre d'Economie de la Sorbonne, 2013.28)?
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