31 mai, 2014
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
Note d’actualité
Le ministre polonais des Affaires étrangères n’y va pas par quatre chemins. Dans un récent article du Spiegel allemand, sur l’insuffisante préparation de l’Alliance face à une hypothétique invasion russe, Radek Sikorski fait remarquer : « Il y a des bases au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Turquie. Mais il n’y a aucune base là où on en a besoin ». En avant donc, pour des bases permanentes en Pologne et dans les Etats baltes. Après tout, quoi de mieux pour promouvoir la désescalade?
Il faut dire que Sikorski parle avec d’autant plus de confiance que le commandant suprême de l’Alliance, le général américain Philip Breedlove avait déjà fait flotter l’idée de rendre les renforts permanents. Selon lui, l’OTAN devrait prendre en considération le changement de paradigme suite aux actions de Moscou, et repositionner ses forces en conséquence. Ce qui fait écho aux propos d’un autre haut responsable américain de l’Alliance, le Secrétaire général adjoint Alexander Vershbow (ancien ambassadeur US à l’OTAN).
« Sandy » s’est empressé de mettre en avant la nature non contraignante de l’accord de 1997 avec la Russie, où l’OTAN ne prévoyait pas de « stationnement permanent supplémentaire d'importantes forces de combat (…) dans l'environnement de sécurité actuel et prévisible ». Le Président Poutine aurait changé la donne (quoique, même le professeur Kissinger a du mal à croire qu’il l’aurait fait sans y avoir été poussé), et l’OTAN est donc maintenant tout à fait dans son droit d’établir des bases permanentes sur les territoires alliés avoisinant la Russie.
Sauf que tous les alliés ne sont pas aussi chauds à l’idée. D’après un rapport ébruité de l’ambassadeur allemand à l’Alliance, « Des points de vues différents s’affrontent – parfois de manière contentieuse – au Conseil de l’Atlantique Nord » au cours des réflexions sur l’impact de la crise en Ukraine sur l’OTAN. D’où les formules alambiquées du Secrétaire général Rasmussen qui, tout en se montrant extrêmement déterminé, parle toujoursd’éventuels « déploiements appropriés ».
Or l’article 5 du Traité de Washington étant ce qu’il est (une garantie en trompe-l’œil, pour ne pas dire imposture), les alliés déçus et inquiets de l’Est exhortent l’OTAN, et surtout l’Amérique, à faire des gestes. De préférence plus convaincants que la rotation régulière de troupes et l’intensification de la planification et des exercices, programmées de toute façon dès l’année dernière. Ils veulent que la présence de soldats américains devienne permanente au lieu de simple « persistante » (comme on dit aujourd'hui dans la novlangue de l'OTAN).
Lors de la cérémonie d'accueil des renforts pour l’heure temporaires, la présidente lituanienne nous a expliqué sans ambages les raisons de cette quasi-obsession avec le stationnement de forces US : « Si un de nos invités est blessé cela signifiera une confrontation ouverte non plus avec la Lituanie mais avec les Etats-Unis ». Au moins, les choses sont claires. Les convives y sont considérés un peu comme des otages, pour se prémunir contre les incertitudes de l’engagement américain. Heureusement que la confiance règne.
Tags:
crise ukrainienne, otan