04 février, 2015
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
Note d’actualité
Armer ou ne pas armer l’Ukraine ? Telle est la question suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des ministres de la défense de l’OTAN qui se retrouveront demain 5 février pour discuter de leur fameux « plan de réactivité ». Les uns et les autres ont commencé à poser leurs jalons à la veille de la réunion. Or il est impossible d’ignorer le potentiel de désordre, au sein du soi-disant Occident, que comporte cette interrogation sur d'éventuelles livraisons.
D’un côté, l’administration américaine admet d’étudier sérieusement la possibilité de fournir des armes soi-disant « défensives » aux autorités ukrainiennes. Simultanément, un groupe d’anciens hauts responsables US (ambassadeurs à l’OTAN, en Ukraine, ancien commandant suprême des forces de l’Alliance, et Secrétaires adjoints à la Défense ou aux Affaires étrangères) vient de remettre un rapport qui appelle, sur un ton résolument alarmiste, à la livraison immédiate d’armes « létales » à Kiev.
De l'autre côté, la chancelière allemande a catégoriquement exclu la livraison de moyens militaires, et le ministre Le Drian vient d’annoncer que Paris n’a pas non plus l’intention (aujourd'hui) de fournir des armes létales à l’Ukraine. Un désordre qui confirme d’ailleurs les inquiétudes de divers experts et d’anciens responsables interrogés sur le site de Carnegie Europe (plate-forme éminemment atlantiste), dans la dernière édition de la rubrique hebdomadaire de Judy Dempsey.
Ainsi, pour le directeur de l'Institut Russie du King's College de Londres, la question n'est pas de savoir si l'Occident en tant que tel va livrer des armes à l'Ukraine, mais si les Etats-Unis vont le faire (éventuellement suivis par quelques autres). Or, poursuit-il, le prix à payer pour une telle décision pourrait être l’unité (jusqu’ici exemplaire, selon lui) des pays occidentaux. L’ancien ministre britannique aux Affaires européennes, Denis MacShane parle, lui, carrément d’un « axe de sympathisants de Poutine » qui va de Londres à Berlin, en passant par Paris et Rome.
En réalité, le casse-tête des armes létales risque bel et bien de ranimer des divisions de fond qui se faisaient sentir dès le départ, derrière l’unité de façade. Au point que, d’après l’ambassadeur de la France à l’OTAN, on y « retrouve de façon certes atténuée le climat d’il y a dix ans », lors de l’intervention américaine en Irak. Ce n’est pas un hasard si le rapport américain déjà cité ne mentionne qu’une demi-douzaine d’alliés (les trois Etats baltes, la Pologne, le Canada et le Royaume-Uni) que Washington devrait tenter d'aligner.
Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les ministres des 28 de l’Alliance préfèrent focaliser plutôt sur la suite à donner au « paquet de réassurances » déjà approuvé par l'OTAN. Et qu’ils ratissent toutes les mesures possibles et imaginables (comme le déploiement d’unités « d’intégration des forces » dans les Etats membres situés à la frontière orientale) pour envoyer un message de fermeté et d’unité sans faille. Toujours est-il que la question de la livraison d’armes pourrait devenir ce week-end, à la grandiose conférence annuelle sur la sécurité à Munich, le dénommé « éléphant dans la salle ».
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crise ukrainienne, otan