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Nouvelle politique européenne de l’Amérique d’Obama : plus ça change… moins ça change ?

24 décembre, 2008
Note d’actualité
Hajnalka Vincze

En réalité, le départ de l’administration Bush ne sera pas, en soi, porteur d’aucun changement notable dans les orientations profondes et les principales caractéristiques de la politique extérieure des USA. Sauf, bien entendu, sur le plan de la présentation, de l’image et de l’habillage.

Il y a quatre ans, au moment où pratiquement le monde entier s’est joint au chœur ABBA (Anybody But Bush Again – « n’importe qui sauf Bush à nouveau »), le magazine Foreign Policy proposa une petite devinette à ces lecteurs : « Vite : donnez le nom d’un président américain ayant lancé une attaque préemptive contre un pays, ou déclaré une croisade idéologique contre le Mal. Réponse : à peu près tous les présidents de Thomas Jefferson à Bill Clinton. Les politiques menées par George W. Bush sont moins révolutionnaires que ses critiques ou ses partisans voulaient l’admettre. » Ce petit rappel pourrait ne pas être inutile à ceux qui cherchent à croire (ou faire croire) que ces derniers huit ans constituent une aberration, et qu’il suffirait de voir l’équipe du Président Bush disparaître de la scène pour retrouver enfin la « vraie Amérique ».

En réalité, le départ de l’administration Bush ne sera pas, en soi, porteur d’aucun changement notable dans les orientations profondes et les principales caractéristiques de la politique extérieure des USA. Sauf, bien entendu, sur le plan de la présentation, de l’image et de l’habillage. Reste donc l’« Obamania », cet enthousiasme déferlant voulant attribuer à la personne même de l’ex-sénateur de l’Illinois et à son programme des vertus de renouveau et de changement radical.  Des vertus qui, a priori, ne s’y trouvent pas. Si le changement de la ligne poursuivie traditionnellement n’est pas à exclure complètement aujourd’hui, ce n’est pas dû au personnage (un pur produit du système), ni à son programme (le reflet parfait des réflexions formatées des milieux de l’establishment washingtonien), mais à ce que l’un et l’autre seraient, à ce moment-là, soumises à d’extrêmement sérieuses contraintes. De toute manière, avec ou sans changement dans d’autres domaines, les relations transatlantiques, elles, suivront leur propre dynamique, dans laquelle toute déviation (sous forme de « retrouvailles » et de « renouveaux ») ne peut être qu’éphémère et superficiel.

Rien de nouveau sous le soleil

La mise en garde émise par l’Institut d’Etudes de sécurité de l’UE (Cahier de Chaillot de septembre 2008, consacré à « L’héritage de Bush et la prochaine politique étrangère de l’Amérique) est inhabituellement claire : « il pourrait y avoir plus de continuité dans la prochaine politique étrangère de l’Amérique que ce que voudraient espérer la plupart des Européens ». Et si cette remarque est évidemment vraie au regard de l’administration sortante, elle l’est au moins tout aussi bien par rapport à celle qui l’avait précédée. Pour un futur Président dont la campagne a été basée sur le thème du « changement », pour ne pas dire « rupture », la composition de son entourage (équipe, conseillers et éminences grises) a, pour la plupart, un étrange parfum de déjà vu.

La réémergence massive des grandes figures de l’époque clintonienne peut, en fait, être interprétée comme une première indication des intentions du « Président élu ». Or si l’on met à part la fumée rose de l’encensoir dans laquelle on a tendance à envelopper les huit années de présidence de William (Bill) Clinton, le bilan/prospective n’est pas tout à fait convaincant. Un bref rappel de seulement quelques-unes des prouesses diplomatiques de Clinton (idéalisé) suffit pour se rendre compte que la distance qui le séparerait de Bush (diabolisé) est plus imaginaire que réelle. C’est en effet sous Clinton que Washington a fait passé les lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy à caractère extraterritorial (censées sanctionner les sociétés étrangères n’obéissant pas aux souhaits de l’Amérique dans leurs relations avec le Cuba, l’Iran et la Lybie) ; lancé son programme de « redditions extraordinaires » (plus connu sous le nom de vols de torture) ; ouvertement identifié comme objectif « la domination de l’espace » ; sabordé la réélection de M. Boutros Boutros-Ghali au poste de Secrétaire général de l’ONU ; déclenché de manière unilatérale des frappes éclair en Soudan, Irak et Afghanistan ; initié l’actuel projet de bouclier antimissile ; envoyé des navires militaires dans le détroit de Taiwan/Formose afin de faire pression sur la Chine ; tenté absolument tout pour empêcher la mise en route de l’Europe de la Défense en lui posant des conditions draconiennes, notamment pour ce qui est de ses relations avec l’OTAN ; et a vu son Secrétaire d’Etat affirmer haut et fort que si l’Amérique est « la nation indispensable », c’est parce qu’elle « se tient plus haut et voit plus loin » que les autres Etats.

On peut, bien sûr, faire valoir que le fait de voir les anciens visages aux commandes de la nouvelle politique étrangère américaine ne signifie pas forcément que celle-ci sera la copie conforme de ce qui a été fait entre 1992-2000. Que le temps apporte la sagesse et que sinon, l’effet provoqué par Bush poursuivant cette même ligne (quoique de manière moins joviale et, pour ainsi dire, plus « décomplexée »), ferait réfléchir n’importe qui à deux fois. Mais un rapide coup d’œil sur le programme et les déclarations d’Obama montre qu’il n’en est rien. Sur le fond des dossiers qui intéressent particulièrement les Européens, la future administration ne s’écartera pas (ou tout au moins n’a pas, au départ, l’intention de s’écarter) des sentiers battus. Et tant pis si les amis et alliés risquent fort d’en être déçus.

Pour commencer, le nouveau Président va sans nul doute profiter de l’euphorie des « retrouvailles » transatlantiques (et du soulagement des dirigeants du vieux continent de voir arriver quelqu’un plus soucieux de ne pas les humilier trop ouvertement), pour exiger plus, beaucoup plus, de la part des Européens. On va ainsi très vite retrouver l’habituel serpent de mer des relations Europe – Etats-Unis : la controverse autour du « partage du fardeau ». Aggravée, pour l’occasion, par la situation extraordinairement dramatique des troupes et des caisses de l’Amérique. La candidat Obama n’a pas caché ses attentes dans ce sens : il compte sur les alliés pour alléger la charge qui pèse sur les épaules des soldats et sur le portefeuille des contribuables d’outre-Atlantique. Comme le candidat l’avait formulé au cours de sa tournée européenne en juillet dernier, « Si nous avons plus de soldats OTAN en Afghanistan, alors c’est potentiellement moins de troupes américaines sur le long terme, ce qui signifie que nous dépensons moins de milliards de dollars, ce qui signifie que nous pouvons investir ces milliards de dollars » à des mesures en affaires intérieures.

Parlant de l’OTAN, le candidat Obama a jugé que l’Alliance a vocation « d’aider l’Amérique à relever les défis de sécurité dans le monde entier » ; s’est prononcé en faveur de l’élargissement de l’organisation à la Géorgie et à l’Ukraine ; et nombre de ses conseillers ont pris position en faveur de relations plus formalisées entre l’OTAN et d’autres pays amis. Comme l’avait proposé Zbigniew Brzezinski dans son livre « Second Chance » (paru l’an dernier, en vue justement des élections 2008) : il faudrait « attirer de manière sélective les Etats non-Européens les plus avancés et démocratiques dans une collaboration plus étroite sur des questions globales » en leur ouvrant la participation à la planification de sécurité et aux missions de l’OTAN, pour qu’« un socle dominant de modération, de prospérité et de démocratie puisse continuer à projeter une influence dans le monde entier ». Des idées qui, en Europe, sont loin de faire l’unanimité.

Pour ce qui est de « l’autre grande institution transatlantique », comme les Américains se plaisent à appeler, et à considérer, l’UE, outre les gestes amicaux qui sont devenus un exercice quasi obligatoire pour chaque nouvelle équipe, la future présidence Obama ne nous réserve pas, pour l’instant, de surprises. Le candidat démocrate s’est déclaré, comme ses prédécesseurs, en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (et les dirigeants européens se sont gardés, comme leurs prédécesseurs, de faire de même à propos d’une hypothétique entrée du Mexique, par exemple, au sein de l’Etat fédéral américain). Obama a également fait pressentir qu’il continuerait à appliquer la stratégie oblique poursuivie par Washington, qui consiste à influencer les décisions collectives des 27 en s’appuyant sur ses chevaux de Troie. A propos des sanctions, notamment, que les Etats-Unis voudraient voir mises en place en Europe à l’encontre de l’Iran, il a déclaré vouloir « travailler avec des alliés européens clés pour persuader l’UE dans son ensemble » à suivre le diktat.

Au sujet du bouclier antimissile, Obama se plaçait, encore une fois, dans le courant principal de l’establishment de sécurité nationale, lorsqu’il s’est dit engagé à poursuivre le projet, à condition qu’il soit « technologiquement faisable ». En matière de commerce, il est dans la plus pure tradition protectionniste américaine, à la nuance près qu’il ajoute, l’air du temps oblige, la volonté de préserver des emplois à l’argument passe-partout de la sécurité nationale. Finalement, sur le dossier du changement climatique, Obama épouse (tout comme McCain l’a fait) la tendance déjà amorcée depuis des années qui fait le lien entre l’environnement, l’économie et, une fois de plus, la sécurité. Tout cela dans le but de faire des USA le leader dans la lutte globale : au lieu donc de se plier aux règles arrêtées à l’échelle internationale, l’idée est d’en définir eux-mêmes les nouvelles lois.

Ce qui nous amène à une considération plus générale, notamment sur la préférence du futur Président pour les solutions uni- ou multilatérales. Là encore, la position d’Obama est complètement en phase avec les grandes orientations de la politique US. Pour lui, comme pour tous ceux qui l’avaient précédé à ce poste, le recours au multilatéralisme n’est concevable que sous une forme à la carte. Agir sous une bannière multinationale est, en effet, toujours préférable pour l’Amérique, afin d’asseoir la légitimité, et partager le fardeau militaire et financier de ses opérations et entreprises. Mais ceci uniquement jusqu’au point où le cadre multilatéral n’entrave en rien la totale liberté de manœuvre du pouvoir. Comme l’a noté le précité Cahier de Chaillot en analysant les orientations affichées pendant la campagne électorale : « la priorité pour chacun des deux candidats sera toujours la sécurité des Etats-Unis et la sauvegarde de sa suprématie ».

Si l’observation est, évidemment, vraie, la juxtaposition de ces deux objectifs risque de conduire à un amalgame trompeur. Car alors que le premier (souci de sa sécurité) est tout à fait normal, le devoir même de chaque Etat, le second objectif (sauvegarde de sa suprématie) est propre à l’Amérique, et est étroitement lié à son exceptionnalisme. Or c’est justement l’attachement des Etats-Unis à cette suprématie de plus en plus illusoire (avec, du côté européen, ce que le Général Pierre-Marie Gallois appelle le « consentement fatal ») qui définit le fondement même des relations transatlantiques, à partir duquel des mutations profondes sont en train de se mettre en place.

« Les événements, mon cher garçon, les événements » !

 Harold Macmillan, Premier ministre britannique à la fin des années cinquante, répondit au journaliste lui demandant ce qui influence le plus la politique des gouvernements : « Events, dear boy, events ». En effet, si la ligne traditionnelle de politique extérieure, sur laquelle l’ex-candidat Obama se montrait aligné tout au long de sa campagne, devrait un jour subir de quelconques changements, ce serait, comme on l’a vu, non par intention ni par conviction, mais sous la pression des événements. Les difficultés budgétaires, de pair avec la crise que traverse l’économie, l’armée, l’idéologie et l’image de l’Amérique font que, malgré les formidables pesanteurs du système, on ne peut plus tenir pour impossible d’éventuels infléchissements. Ceux-ci auraient, toutefois, leurs limites.

D’une part, les efforts d’apaisement réel, provoqués par l’exceptionnel état d’affaiblissement du pouvoir US, seraient réservés aux interlocuteurs sérieux. Ceux, par contre, dont le suivisme est tenu pour acquis devraient se contenter de belles paroles et de beaux gestes. Voire se préparer à des exigences accrues derrière la séduisante mise en scène. D’autre part, le consensus de fond dans les milieux washingtoniens de politique étrangère n’en serait pas affecté, et continuerait de professer la nécessaire sauvegarde de la suprématie américaine. Il peut y avoir des différences dans les termes employés (domination ou leadership des Etats-Unis), et dans la justification (les USA doivent conduire le reste du monde parce qu’ils sont les plus forts et les plus libres, ou parce qu’ils sont les plus bienveillants et les plus avisés), de même que sur des questions tactiques (pour savoir si l’on a besoin d’un simulacre de multilatéralisme ou ce n’est que perte de temps), mais il y a unanimité sur l’essentiel.

Or le maintien sous tutelle du continent européen fait partie intégrante de ce concensus fondamental. Comme l’avait formulé Zbigniew Brzezinski, figure emblématique du courant principal des milieux de sécurité nationale à Washington et conseiller proche du futur Président : « l’Europe reste largement un protectorat américain, avec des pays alliés qui rappellent les vassaux des temps anciens ». Et, dans son analyse, c’est très bien ainsi. Car « une Europe politiquement forte qui ne serait plus militairement dépendante des Etats-Unis remettrait inévitablement en cause l’hégémonie américaine et confinerait la prédominance des Etats-Unis à la région du Pacifique. »

Il faut bien dire que la plupart des dirigeants européens s’accommodent sans grand problème à leur situation de dépendance, même s’ils préfèreraient se le faire rappeler un peu plus discrètement. Leur espoir d’être traités avec quand même un peu plus d’égards que sous le Président Bush explique leur enthousiasme pendant la campagne. Philip H. Gordon, chef de la section « Europe » du candidat Obama s’est amusé, au printemps dernier, de la spectaculaire hausse du tourisme semi-diplomatique effectué par les politiques, fonctionnaires et experts européens à Washington : « C’est devenu un déluge. Il n’y pas un jour sans que des visiteurs venus d’Europe n’offrent un déjeuner fort coûteux à quiconque serait, même de loin, en position de leur dire qui conseille qui, d’analyser les derniers résultats des primaires, de spéculer sur les prochains, ou de faire des prévisions sur les politiques que mèneraient les candidats probables des deux partis ».

En effet, les Européens attendent le nouveau Président un peu comme le Messie. Lequel devrait « remettre sur les rails » les relations transatlantiques malmenées, voudraient-ils croire, par le difficile interlude des années Bush. La vanité de ces attentes se manifeste à plusieurs niveaux. Celui de la rhétorique d’abord : à chaque nouvelle administration, voire à chaque nouveau mandat de la même administration, on nous ressert es mêmes formules, sur le « renouveau transatlantique », la « réconciliation » (tiens, tiens : aurait-on été en brouille ?), les joies des « retrouvailles » et l’avènement d’une « nouvelle ère ». Mais à force d’employer, et de réemployer, ces grands mots, ils finissent par avoir l’effet inverse. La répétition est le signe notre impuissance : depuis de longues décennies tout a été dit, tout a été essayé dans ce « partenariat », mais nous sommes, une fois encore, de retour à la case départ. Visiblement, la solution ne viendra pas des pirouettes de vocabulaire.

Après la rhétorique vient le raisonnement. A savoir l’argument selon lequel l’Amérique affaiblie, faisant face aujourd’hui à de nombreuses difficultés sur le terrain militaire, diplomatique et budgétaire serait, enfin, d’humeur plus coopérative car elle aurait, enfin, vraiment besoin de ses « partenaires » européens. Passons sur le fait qu’il y a quelque chose de profondément malsain de se réjouir de la faiblesse et des difficultés de son plus grand ami et allié, parce qu’on y verrait la seule chance pour lui extorquer des concessions en vue d’une relation plus équilibrée. L’important ici, c’est que même cet espoir un peu pervers est illusoire. Les USA entendent toujours organiser la coopération transatlantique selon leurs propres termes, et plus ils se sentiront affaiblis, plus ils se montreront attachés aux leviers qui leurs permettent, depuis un demi siècle, d’y dicter leurs règles. L’exemple de la défense européenne est particulièrement instructif à cet effet.

A partir du début du second mandat du Président Bush, les messages qui arrivent des milieux semi-officiels de Washington vont tous dans le même sens. Ils nous rassurent que Washington, en mal de troupes et de ressources, serait enfin plus chaud (tiens, tiens : aurait-il été moins chaud auparavant ?) à l’idée d’un renforcement de la défense européenne et, dans cet esprit, serait donc prêt à abandonner sa politique d’obstruction systématique sur ce dossier (tiens, tiens : y aurait-il jamais eu d’obstruction de sa part ?). Les voix en ce sens se sont multipliées depuis le début de cette année, avec comme point d’orgue le discours prononcé à Paris, en février dernier, par l’ambassadrice américaine auprès de l’Alliance atlantique. En réalité, Mme Nuland n’a fait qu’ajouter l’effet d’annonce à la réaffirmation de la position classique de Washington. Pour elle, il s’agit de soutenir la constitution de « capacités européennes plus fortes et plus effectives », susceptibles d’être utiles à l’Amérique. Comme l’avait noté Brzezinski dans son livre, Washington doit avoir pour but « une défense européenne complémentaire, mais pas autonome ».

Mais au-delà de la rhétorique creuse et du raisonnement défaillant, c’est en regardant les structures profondes des relations transatlantiques que l’on peut se rendre compte de la vanité des espoirs d’une « harmonie retrouvée ». Comme l’avait indiqué en janvier dernier la vice-présidente du German Marshall Fund of the United States aux membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN en visite à Washington : « même si un nouveau président américain bénéficie généralement d'une période d'état de grâce, les désaccords structurels sous-jacents entre l'Europe et les États-Unis ne disparaîtront pas pour autant ». 

Ce n’est pas Charles A. Kupchan, directeur des affaires européennes au Conseil de sécurité nationale sous Clinton, aujourd’hui chercheur principal de la section européenne du prestigieux Council on Foreign Relations, qui va la contredire. Kupchan vient de publier une étude sur « L’Ordre atlantique en transition » (The Atlantic order in transition, in The End of the West?, 2008) où il met en garde les Européens, impatients de travailler avec la nouvelle administration américaine, contre les attentes démesurées. Notamment en observant que « L’ordre atlantique traverse un changement systémique, et non pas seulement un niveau élevé de conflits politiques dans les limites préexistantes. »

« Si l’Europe et l’Amérique ont été de bons amis pendant les cinq dernières décennies, c’est en partie que les Européens n’avaient pas le choix. Ils avaient besoin de l’aide de l’Amérique pour tenir l’Union soviétique à l’écart. Et l’ampleur de la suprématie US garantissait qu’ils suivaient la direction fixée par Washington. Maintenant le pôle unique est en train de se séparer en deux. L’Amérique du Nord et l’Europe vont probablement s’engager dans la compétition en matière de statut, de richesse et de puissance qui faisait, et fait toujours, tellement partie de l’expérience humaine ». Pourtant, il n’y a pas de raison de dramatiser. Si les relations transatlantiques peuvent, selon Kupchan, continuer à « se détériorer jusqu’au point où une rivalité militarisée redevient plausibles », nous pouvons aussi trouver notre chemin vers ce qu’il appelle « la normalité : un ordre où il n’y a plus l’unique affinité et cohésion des années de la guerre froide, mais qui n’en jouit pas moins des bénéfices de relations pacifiques, de l’intégration économique et d’occasions plutôt fréquentes de collaboration politique ».

Mais ce n’est pas que d’un point de vue historique que ce « retour à la normalité » (la séparation entre les parties de la soi-disant communauté atlantique) s’impose avec la force de l’évidence. Le caractère démocratique, lui-même, de nos systèmes politiques est remis en cause si par l’abandon de l’impératif d’autonomie on s’expose, volontairement qui plus est, à des pressions et des chantages venus d’un tiers. L’alternative est, en fait, toute simple. Soit les Européens retrouvent leur pleine souveraineté en se dégageant de la situation de dépendance qui restreint leur liberté de choix, soit on accorde aux près d’un demi-milliard de citoyens européens le droit de vote aux prochaines élections américaines. Or, jusqu’aux dernières nouvelles, cette hypothèse n’est pas envisagée par le futur Président Obama…

 

 

 

 

 

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etats-unis, relations transatlantiques


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