Note d’actualité
« Pourquoi le gouvernement américain soutient-il et subventionne-t-il l’industrie aéronautique américaine à travers des contrats de la défense ? Simplement parce que l’avenir des USA, et celui de l'Europe dans notre cas, ne réside pas dans les parfums ou les pop-corns. L’avenir, c’est l'électronique, l’informatique, l'avion, les missiles et l'espace. » - la remarque a été faite par Jean Pierson, ex-président d'Airbus Industrie, en 1987.
La politique américaine de rouleau compresseur dans ce domaine - comme dans tant d'autres – fut accélérée à la pleine vitesse sous l'administration Clinton. Ils ont mobilisé tous les moyens à la disposition de l'Etat afin d’assurer ce qu'ils ont appelé ‘sécurité économique’. En d'autres termes : le bien-être des compagnies USA et leur « compétitivité » dominante à l'échelle globale. Pour les Européens, il aurait été extrêmement difficile de ne pas apercevoir que, cette fois-ci, ils étaient directement menacés. Leur base technologique-industrielle - le pilier même de leur souveraineté - était très visiblement en jeu. L'industrie aéronautique, et la cause d'Airbus en particulier, a acquis une valeur d’exemple.
Sous la direction de Martin Bangemann, commissaire chargé de la politique industrielle, l’UE assumait ouvertement que dans les secteurs stratégiques, les concurrents européens pourraient avoir besoin d'appui actif vis-à-vis d’acteurs externes dominants. Pascal Lamy - commissaire au commerce extérieur jusqu'en 2004 – a noté que la Commission était là pour agir en tant que bouclier juridique d’Airbus. Et il avait entièrement raison. L'abandon de sa base technologique-industrielle, le coeur de sa souveraineté, signifierait la fin de l'Europe. La dépendance accrue dans ce domaine entraîne la réduction drastique de la marge de manœuvre de la prise de décision politique.
Il y a d’innombrables exemples d'intervention du gouvernement américain en faveur de Boeing, que ce soit par la politique de la « torsion des bras » (Israël, Taiwan), ou par l’espionnage (grâce au système Echelon du NSA, avec l'aide d’un allié britannique fort schizophrène). Le tout jetant une lumière plutôt particulière sur Boeing qui prétend être le champion de la libre concurrence, la plus privée de toutes les entreprises privées (par opposition à Airbus, prétendument mort-né et maintenu en vie uniquement grâce aux subventions juteuses des gouvernements).
De surcroît, Boeing accumule les scandales de corruption : le dernier en date étant celui autour du programme de ravitailleurs en vol du Pentagone. Mis à part les officiels corrompus du Département de la Défense, l’affaire mérite d’être remarqué à cause des conditions mêmes de l’offre du Pentagone, Airbus n’étant manifestement invité que pour sauver les apparences. Après une nouvelle tournure des événements, la même offre est utilisée comme levier pour faire pression sur les Européens en matière d’aides au lancement (entièrement remboursables) pour Airbus, ou les faire chanter au sujet de l’éventuelle levée de l’embargo contre la Chine.
Même si les débats Airbus-Boeing se focalisent sur les subventions reçues de part et d’autre et les répercussions en termes d’emploi, le véritable enjeu est d’ordre éminemment stratégique. Pour les Américains, c’est d’évincer tout compétiteur et d’asseoir leur monopole dans le secteur crucial de l’aérospatial. Pour les Européens, il s’agit de préserver les ressources humaines et les bases technologiques et industrielles dans un domaine hautement stratégique, étroitement lié aux capacités et programmes d’armement (où leurs divisions profondes les empêchent traditionnellement de présenter un front uni face aux visées américaines).
Texte complet en hongrois.
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