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L’indépendance écossaise et la question de la sécurité transatlantique et européenne

University of Glasgow International Lecture Series - 21 mars, 2013
Colloque et conférence
Hajnalka Vincze

La position particulière du Royaume-Uni dans l’espace de sécurité européenne et transatlantique constituera l’un des premiers éléments déterminants et pour l’attitude des autres Etats face à une éventuelle indépendance écossaise (voudraient-ils ou pas voir Londres s’affaiblir même si juste momentanément), et pour leur appréciation des politiques menées par une Ecosse indépendante (seront-elles en ligne, ou se différencieront-elles, et si oui, sur quels points, des politiques de Whitehall). Dans les deux cas, Londres et non pas Edinburgh sera le point de référence. 

Un regard plus attentif à la même spécificité britannique, notamment en matière d’alignement atlantiste et d’entrisme européen, conduit à se poser des questions par rapport à quelques idées reçues pour ce qui est des implications militaro-sécuritaires d’une éventuelle séparation. Finalement, la concomitance du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, des incertitudes pesant sur les relations UK-UE, et de l’annonce du pivot asiatique des Etats-Unis, offre un moment de vérité aussi rare que précieux pour bien mesurer les intentions réelles des différents acteurs. 

Ces derniers développements sont susceptibles, du moins potentiellement, de modifier quelque peu le contexte du grand débat sur la sécurité transatlantique et européenne, qui se joue entre deux options/visions de manière de plus en plus ouverte. Par rapport auquel les positions d’une Ecosse indépendante seraient attendues par tout le monde avec le plus grand intérêt. En schématisant, il s'agit de savoir si la défense européenne est plutôt vue comme un appendice de l’OTAN, cantonné à des rôles de figuration, de supplétifs ou de sous-traitance ou, au contraire, elle est censée incarner et mettre en œuvre une politique d’autonomie stratégique (la base de toute crédibilité politique sur la scène internationale, de même qu’une assurance-vie en quelque sorte, pour les cas où les intérêts de coïncideraientpas toujours mécaniquement des deux côtés de l’Atlantique). Le Royaume-Uni est le chef de file européen de la première option, et une majorité d’Etats membres le suivent, mais pas pour les mêmes raisons. Soit par atlantisme idéologique (ou budgétaire : il est moins cher, du moins au début, de s’en remettre à quelqu’un), soit par pacifisme idéologique (ou budgétaire : si l’on ne met pas d’argent pour la défense, autant proclamer que c'est par vertu), soit par un mélanges de ces facteurs.

Compte tenu du rôle clé de Londres, ces questions constitueront l’un des prismes principaux à travers lequel les autres pays vont regarder l’éventuelle indépendance de l’Ecosse. Si la prudence diplomatique interdit de se positionner trop clairement, il est évident que, au vu de cette grande partie d’échec, elle impliquerait des gagnants et des perdants. La France et l’Allemagne auront certainement des sentiments mélangés à ce sujet : la France gagnera avec l’affaiblissement de son « adversaire » atlantiste, mais perdrait à voir s’affaiblir celui qui défend, avec elle, l’importance de la dimension militaire. A l’inverse, l’Allemagne perdrait avec la diminution du chef de file atlantiste, mais gagnerait en influence pour ses thèses pacifistes. Les Etats-Unis, eux, risquent d’y perdre sur les deux tableaux. Sans préjuger des politiques d’une Ecosse indépendante, il est difficile d’imaginer qu’elles égaleraient celles de Londres, qu’il s’agisse d’activisme militaire ou d’atlantisme fervent. D’où les réserves américaines vis-à-vis des projets d’indépendance.

Ce qui nous mène aux dossiers concrets, sur lesquels une Ecosse indépendante devrait se déterminer – et sa position sera forcément auscultée de près à l’aune de ces grands enjeux. En effet, qu’il s’agisse de l’OTAN ou de la PSDC (politique de « défense » de l’UE), toutes les questions sont connotées. A partir du nombre d’étoiles à faire figurer sur une enseigne, jusqu’à la formulation des phrases d’un communiqué (parfois différentes en version française et anglaise), en passant par la DAMB (défense antimissile balistique), la « Défense intelligente » (initiative de partage capacitaire), le lancement d’une opération (OTAN ou UE, bien souvent les deux), les contributions en nature (avec quels effectifs et quelles restrictions d’emploi), le budget d’une agence dans un cadre de un ou trois ans, l’acquisition (ou la non-acquisition) de tel ou tel équipement militaire, et bien évidemment tout ce qui touche au nucléaire. Toutes ces décisions ont des répercussions sur le grand débat, et les prises de position sont donc interprétées en conséquence dès le départ.

Les partenaires européens et transatlantiques s’intéresseraient avant tout à la comparaison des positions d’une Ecosse indépendante avec celles du reste du Royaume-Uni, et leur accorderaient une plus grande importance que ce que les chiffres ne justifient. En matière de sécurité et de défense, il y aurait des dossiers sur lesquels Edinburgh se différencierait d’emblée pour la seule raison de sa taille (en matière de financements en commun des équipements, par exemple, c’est largement entre « petits pays » et « grands pays » que se joue la bataille). Là par contre où cette différenciation serait simplement dû à un choix, cette prise de distance pèserait plus que le seul nombre de ses voix du fait de son ex-appartenance au UK. A l’inverse, sur les sujets pour lesquels l’Ecosse poursuivrait/adopterait la traditionnelle approche britannique, elle renforcerait celle-ci à double titre. D’une part, elle semblerait la conforter dans sa légitimité démocratique, de l’autre, comme il s’agit de domaines où les décisions se prennent à l’unanimité des Etats, elle y ajouterait une nouvelle voix.

Finalement, la conception de souveraineté par laquelle Londres se définit dans le système européen et transatlantique fait que la question d’une éventuelle séparation se pose en des termes différents de ce qu’il n’en serait pour un autre pays de taille comparable, notamment pour la France. Du côté européen, les réticences et incertitudes britanniques font que la voie de la séparation est peut-être la seule chance pour les Ecossais de rester (ou d’entrer véritablement) en Europe, y compris sa dimension de « défense ». Du côté atlantique, la dépendance quasi dogmatique du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Amérique relativise beaucoup la pertinence de certains arguments. Que ce soit sur le plan de l’industrie de l’armement, des interventions militaires extérieures ou du renseignement, il paraît difficile, même pour un « petit » pays de 5 millions d’habitants de voir sa capacité de libre arbitre diminuée par rapport à la situation dans laquelle Londres s’était verrouillé  depuis un bon moment.


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Tags:
royaume-uni, relations transatlantiques


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