Note IVERIS - 20 septembre, 2016
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
Note d’actualité
Interrogé le jour du sommet informel de l’UE à Bratislava, le 16 septembre, le ministre des affaires étrangères français assure : « on est en train d’avancer sur une politique commune de défense ». A la remarque sceptique qui s’en est suivie pour noter qu’il y a maintenant vingt ans que l’on en parle, de cette Europe de la défense, Jean-Marc Ayrault répond, apparemment sûr de lui : « Oui, mais ça y est, c’est parti ». Que son optimisme soit fondé ou pas, une chose est certaine : la défense européenne n’a jamais bénéficié d’une constellation aussi favorable que ces jours-ci.
Nonobstant la qualité peu impressionnante des dirigeants, partout en Europe, il paraît clair que la conjonction d'événements transatlantiques et européennes offre une opportunité sans précédent pour tenter de faire aboutir une idée et une vision portées depuis toujours par la France. En effet, Paris n'a jamais cessé d’appeler ses partenaires, avec plus ou moins de zèle selon les périodes, à redonner son sens originel (européen et militaire) à l’Europe de la défense, et à la redynamiser en conséquence.[2]
Le contexte pourrait difficilement être plus propice à une reprise de l’initiative. La perspective du Brexit met sur la touche les éternels poseurs de veto britanniques[3] ; la Haute Représentante de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité vient de produire un document de référence centré autour de la notion, jusqu’ici tabou, de l’autonomie stratégique[4] ; le président de la Commission veut lui aussi replacer la défense au cœur de l’action européenne, et lève l’interdit sur le concept d’un quartier général militaire[5] ; les gouvernements européens commencent à se poser de sérieuses questions sur la politique suivie à l’encontre de la Russie[6] qui leur a été en grande partie suggérée, sinon imposée,[7] par les Etats-Unis.[8] Au-delà du domaine économique, où d’ailleurs le projet de traité de libre-échange transatlantique a du plomb dans l’aile,[9] la mainmise militaire de plus en plus affirmée de l’Amérique/OTAN[10] est, dans de nombreuses capitales européennes, une source grandissante d’inquiétude et de mécontentement.[11] De surcroît, les Etats-Unis sont embourbés dans une campagne présidentielle pitoyable caractérisée par l’extraordinaire faiblesse des deux candidats, dont la première exige une attitude encore plus ferme vis-à-vis de la Russie,[12] tandis que le second déclare publiquement qu’il n’y a pas, à ses yeux, de garantie de défense automatique à l’OTAN.[13]
Dans ces conditions, ce n’est pas une surprise si la question de la politique de défense européenne redevient d’actualité. Jusqu’ici paralysés d’un côté par le veto systématique des Britanniques, de l’autre par la peur panique de ne pas froisser l’Amérique, les Etats membres de l’Union devraient mener cette fois-ci de véritables réflexions et de très franches discussions. La France doit se placer d’emblée, tout naturellement, en tête, et donner l'élan. C’est ce que semblent indiquer, par ailleurs, les récents propos du président Hollande.
A l’ouverture du sommet de Bratislava, le chef de l’Etat a tenu un discours ferme sur la nécessité de la défense européenne : « Il n’y a pas de continent, il n’y a pas d’union, s’il n’y a pas de défense de ce que nous représentons en termes de valeurs et d’intérêt. » Et il tenait à y rajouter cette observation qui aurait été considérée, naguère, comme un sacrilège :« Que chacun sache bien que si les Etats-Unis font un choix de s’éloigner, l’Europe doit être capable de se défendre par elle-même. »[14] Certes. Sauf que cela suppose de renverser des décennies d’inerties, de compromissions et d’abdications européennes.
Le contexte pourrait difficilement être plus propice à une reprise de l’initiative. La perspective du Brexit met sur la touche les éternels poseurs de veto britanniques[3] ; la Haute Représentante de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité vient de produire un document de référence centré autour de la notion, jusqu’ici tabou, de l’autonomie stratégique[4] ; le président de la Commission veut lui aussi replacer la défense au cœur de l’action européenne, et lève l’interdit sur le concept d’un quartier général militaire[5] ; les gouvernements européens commencent à se poser de sérieuses questions sur la politique suivie à l’encontre de la Russie[6] qui leur a été en grande partie suggérée, sinon imposée,[7] par les Etats-Unis.[8] Au-delà du domaine économique, où d’ailleurs le projet de traité de libre-échange transatlantique a du plomb dans l’aile,[9] la mainmise militaire de plus en plus affirmée de l’Amérique/OTAN[10] est, dans de nombreuses capitales européennes, une source grandissante d’inquiétude et de mécontentement.[11] De surcroît, les Etats-Unis sont embourbés dans une campagne présidentielle pitoyable caractérisée par l’extraordinaire faiblesse des deux candidats, dont la première exige une attitude encore plus ferme vis-à-vis de la Russie,[12] tandis que le second déclare publiquement qu’il n’y a pas, à ses yeux, de garantie de défense automatique à l’OTAN.[13]
Dans ces conditions, ce n’est pas une surprise si la question de la politique de défense européenne redevient d’actualité. Jusqu’ici paralysés d’un côté par le veto systématique des Britanniques, de l’autre par la peur panique de ne pas froisser l’Amérique, les Etats membres de l’Union devraient mener cette fois-ci de véritables réflexions et de très franches discussions. La France doit se placer d’emblée, tout naturellement, en tête, et donner l'élan. C’est ce que semblent indiquer, par ailleurs, les récents propos du président Hollande.
A l’ouverture du sommet de Bratislava, le chef de l’Etat a tenu un discours ferme sur la nécessité de la défense européenne : « Il n’y a pas de continent, il n’y a pas d’union, s’il n’y a pas de défense de ce que nous représentons en termes de valeurs et d’intérêt. » Et il tenait à y rajouter cette observation qui aurait été considérée, naguère, comme un sacrilège :« Que chacun sache bien que si les Etats-Unis font un choix de s’éloigner, l’Europe doit être capable de se défendre par elle-même. »[14] Certes. Sauf que cela suppose de renverser des décennies d’inerties, de compromissions et d’abdications européennes.
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[1] Entretien de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères, avec «LCI», Paris, 16/09/2016.
[2] Voir de l’auteur : La France, quel gardien du temple pour l'Europe de la défense?, Une certaine idée de l’Europe, 20 novembre 2014.
[3] Certes, le Royaume-Uni a annoncé au lendemain du sommet informel de Bratislava qu’il continuerait à mettre son veto à « toute tentative visant à mettre sur pied un rival à l’OTAN » tant qu’il restera membre de l’UE. Mais Londres se trouve dans une position considérablement affaibli pour plusieurs raisons : il peut aisément être mis sous pression du fait des négociations de départ qui s’annoncent déjà compliquées ; le reste des Etats membres, et surtout les plus pressés/déterminés ont la possibilité, offerte par le traité, de lancer une « coopération structurée » laquelle pourrait prendre la forme d’un groupe pionnier ; ce geste de défiance du Royaume-Uni envers les 27 Etats membres restants ne va pas manquer d'irriter ces derniers, en plus de faire la démonstration éclatante d’un côté du désarroi des Britanniques (et des Etats-Unis derrière) et, de l’autre, de leurs véritables motifs. Voir : L’Europe de la défense, éternelle pomme de la discorde entre la France et le Royaume-Uni , Une certaine idée de l’Europe, 31 janvier 2015.
[4] Shared Vision, Common Action: A Stronger Europe - A Global Strategy for the European Union’s Foreign And Security Policy, juin 2016.
[5] Jean-Claude Juncker, Discours sur l'état de l'Union 2016: Vers une Europe meilleure - Une Europe qui protège, donne les moyens d'agir et défend, Strasbourg, le 14 septembre 2016.
[6] Germany Considers Easing of Russia Sanctions, Der Spiegel, 30 mai 2016.
[7] US Officials Gather To Discuss Russia, Europe, Defense News, 4 juin 2015.
[8] Voir de l’auteur: Joe le Sniper sur l'arrière-fond des sanctions européennes contre la Russie, 10 octobre 2014.
[9] Selon l’Allemagne, les négociations sur le traité transatlantique ont « de facto échoué », France24, 28 août 2016 et La France demande l'arrêt des négociations sur le TTIP, France24, 30 août 2016.
[10] L’Allemand Steinmeier critique l’attitude de l'Otan aux frontières russes, RFI 19 juin 2016.
[11] Voir de l’auteur : L’OTAN cherche à contourner la règle du consensus, Note d’actualité IVERIS, 25 août 2015 et Les USA vont-ils pouvoir engager les troupes de l’OTAN ?, Veille IVERIS, 10 novembre 2015.
[12] Time for Europe to get tough with Russia, urges Clinton, The Times, 14 février 2015.
[13] Donald Trump Sets Conditions for Defending NATO Allies Against Attack, The New York Times, 20 juillet 2016.
[14] François Hollande, Déclaration à l'arrivée à Bratislava, 16 septembre 2016.
[1] Entretien de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères, avec «LCI», Paris, 16/09/2016.
[2] Voir de l’auteur : La France, quel gardien du temple pour l'Europe de la défense?, Une certaine idée de l’Europe, 20 novembre 2014.
[3] Certes, le Royaume-Uni a annoncé au lendemain du sommet informel de Bratislava qu’il continuerait à mettre son veto à « toute tentative visant à mettre sur pied un rival à l’OTAN » tant qu’il restera membre de l’UE. Mais Londres se trouve dans une position considérablement affaibli pour plusieurs raisons : il peut aisément être mis sous pression du fait des négociations de départ qui s’annoncent déjà compliquées ; le reste des Etats membres, et surtout les plus pressés/déterminés ont la possibilité, offerte par le traité, de lancer une « coopération structurée » laquelle pourrait prendre la forme d’un groupe pionnier ; ce geste de défiance du Royaume-Uni envers les 27 Etats membres restants ne va pas manquer d'irriter ces derniers, en plus de faire la démonstration éclatante d’un côté du désarroi des Britanniques (et des Etats-Unis derrière) et, de l’autre, de leurs véritables motifs. Voir : L’Europe de la défense, éternelle pomme de la discorde entre la France et le Royaume-Uni , Une certaine idée de l’Europe, 31 janvier 2015.
[4] Shared Vision, Common Action: A Stronger Europe - A Global Strategy for the European Union’s Foreign And Security Policy, juin 2016.
[5] Jean-Claude Juncker, Discours sur l'état de l'Union 2016: Vers une Europe meilleure - Une Europe qui protège, donne les moyens d'agir et défend, Strasbourg, le 14 septembre 2016.
[6] Germany Considers Easing of Russia Sanctions, Der Spiegel, 30 mai 2016.
[7] US Officials Gather To Discuss Russia, Europe, Defense News, 4 juin 2015.
[8] Voir de l’auteur: Joe le Sniper sur l'arrière-fond des sanctions européennes contre la Russie, 10 octobre 2014.
[9] Selon l’Allemagne, les négociations sur le traité transatlantique ont « de facto échoué », France24, 28 août 2016 et La France demande l'arrêt des négociations sur le TTIP, France24, 30 août 2016.
[10] L’Allemand Steinmeier critique l’attitude de l'Otan aux frontières russes, RFI 19 juin 2016.
[11] Voir de l’auteur : L’OTAN cherche à contourner la règle du consensus, Note d’actualité IVERIS, 25 août 2015 et Les USA vont-ils pouvoir engager les troupes de l’OTAN ?, Veille IVERIS, 10 novembre 2015.
[12] Time for Europe to get tough with Russia, urges Clinton, The Times, 14 février 2015.
[13] Donald Trump Sets Conditions for Defending NATO Allies Against Attack, The New York Times, 20 juillet 2016.
[14] François Hollande, Déclaration à l'arrivée à Bratislava, 16 septembre 2016.
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europe de la défense, relations transatlantiques