Note d’actualité
Le rapport mitigé de la Commission sur l’adhésion de la Turquie marquait la fin d’une double imposture. Celle à l’adresse de la Turquie avec le mirage d’un statut d’Etat-membre à part entière (manifestement déjà en tant que candidate elle n’a pas les mêmes droits que les autres). Et celle destinée à l’opinion publique européenne prétendant que les élargissements successifs n’altèrent pas fondamentalement la nature de l’Union. Car c’est précisément ce qu’ils font.
Et c’est ce qu’ils avaient déjà fait. La nécessité de l’ouverture des négociations avec la Turquie ne faisait aucun doute depuis décembre 1999, date à laquelle Ankara a reçu le statut de pays candidat. Néanmoins, ce fait accompli devant lequel les dirigeants européens s’étaient eux-mêmes placés semble les avoir fait enfin réfléchir. Ils se sont rendu compte que la politique du « tout ou rien » - leur unique solution pour stabiliser leur voisinage étant l’offre d’une adhésion pure et simple à l’UE – ne peut pas être poursuivie à l’infini. Bien entendu, la stabilisation des zones limitrophes constitue une priorité stratégique pour l’UE. Ne serait-ce que pour assurer les voies de transit pour son approvisionnement énergétique ou pour lutter contre les risques transnationaux tels le crime organisé, les catastrophes environnementales, la prolifération des armes, le trafic des drogues et l’immigration clandestine. Afin de sortir de l’impasse du « tout ou rien » la Commission a conçu, en 2003, une stratégie articulée autour de l’idée « plus qu’un partenariat moins qu’une adhésion ». Il s’agit d’une intégration progressive des pays voisins au marché intérieur (en étendant à eux les quatre libertés, c’est-à-dire la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux), accompagnée d’un approfondissement de la coopération politique, sociale et culturelle. Simultanément la différenciation gagne du terrain à l’intérieur même de l’Union européenne. La gestion du nombre et de l’hétérogénéité croissants des Etats membres de l’UE rend inéluctable l’organisation de la soi-disante géométrie variable. En effet, le regroupement en différents cercles est l’unique solution pour consolider et poursuivre les acquis de l’intégration. Ceci pour des raisons à la fois techniques (les réunions du Conseil à 25, autour d’une table longue comme le quart d’un terrain de foot, rappellent « les conférences de paix soviétiques » comme l’a remarqué un observateur britannique) et surtout politiques (les divergences des ambitions des Etats membres quant au contenu et aux finalités du projet européen). Et en quoi ces évolutions affectent-elles l’adhésion de la Turquie ? A la fin du marathon des négociations d’adhésion, Ankara se trouvera face à une toute nouvelle donne et à l’extérieur et à l’intérieur de l’Union européenne. Une situation où ce sont justement les concepts « extérieur » et « intérieur » qui auront subi une profonde mutation. Où les différents pays – qu’ils fassent partie de l’UE ou de son voisinage – se retrouveront à des degrés divers sur une échelle d’intégration, en fonction de leur volonté et leur capacité à participer à un exercice en commun plus ambitieux de la souveraineté.
(résumé)
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