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Italian EU presidency 1

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Journal Francophone de Budapest - 13 aout, 2003
Article
Hajnalka Vincze

L’Italie berlusconienne a pris les rênes de l’Union européenne dans un climat d’attente inquiète, où contrastaient un sentiment général exprimé par l’hebdomadaire britannique « The Economist » qui jugeait le président du Conseil italien « inapte à diriger l’Europe » et les déclarations confiantes de celui qui se dit « condamné à toujours gagner ».

Ce semestre de présidence italienne sera incontestablement, comme l’a formulé Jacques Delors, « une période de tous les dangers » : la concomitance entre un moment difficile (dissensions profondes mises à nu par la crise irakienne), un tournant historique (questions vitales pour l’avenir de l’Europe à résoudre de toute urgence) et les incertitudes du leadership italien, risque de paralyser l’activité de l’Union et d’aggraver les problèmes existants. Au vu de ces circonstances exceptionnelles, on examinera, dans un premier temps, les faiblesses conjoncturelles (insuffisances personnelles et fragilités de la coalition gouvernementale à Rome) et structurelles (marginalisation progressive de l’Italie en Europe), pour aborder, dans un prochain article, le programme et les dossiers prioritaires de cette présidence, sur laquelle les handicaps ont déjà commencé à peser.

Le suicide politique le plus rapide de l’Europe

La phrase qui tue – en l’occurrence : qui tue celui qui la prononce – a été proférée par Silvio Berlusconi au Parlement européen, dès le deuxième jour de sa présidence. Contrairement à ce qui a été repris par la plupart des média européennes, les interrogations insistantes ayant suscité l’ire du chef de gouvernement italien ne portaient pas que sur ses déboires judiciaires. Les questions du député allemand que Berlusconi comparait, en guise de réponse, à un Kapo de camp de concentration nazi, concernaient également les remarques d’Umberto Bossi (membre de la coalition gouvernementale en Italie) suggérant que la marine nationale devrait ouvrir le feu sur les navires transportant des immigrés au large des côtes italiennes. Selon le député, de telles propositions sont encore plus graves que celles du parti de Jörg Haider en Autriche et vont à l’encontre des valeurs fondamentales de l’Europe. Or, poursuivit-il, « en votre qualité de Président du Conseil européen, vous devriez défendre ces valeurs. Même contre vos propres ministres. ». La réplique cinglante de Berlusconi en disait plus long que n’importe quelle explication. Elle a surtout confirmé les pires craintes de ceux qui, partout en Europe, s’apprêtaient à retenir leur souffle chaque fois que le président en exercice de l’UE s’exprimera sur la scène internationale. Car non seulement il a une sorte de comportement douteux et une philosophie « je parle comme je pense » peu compatible avec les règles les plus élémentaires de sa nouvelle fonction, mais surtout : il pense mal.[1]

« Rester dans l’Europe »

Paradoxalement, l’un des enjeux de cette première apparition publique de Berlusconi dans sa nouvelle fonction aurait été de démentir ses détracteurs en faisant la preuve qu’il est capable d’être à la hauteur, et surtout qu’il ne renforcera pas les préjugés colportés sur le prétendu dilettantisme, imprévisibilité et peu de fiabilité des Italiens en général. S’y ajoute la volonté de démontrer – comme l’a dit le Premier ministre italien – que « L’Italie n’est plus la malade de l’Europe. Nous avons des atouts pour prétendre pouvoir apporter notre contribution à la direction de l’Union. ». Si le besoin de convaincre se fait sentir si fort, c’est que les relations entre l’Italie et la construction européenne ont été principalement marquées par la marginalisation progressive du pays. Membre fondateur des premières institutions européennes, Rome – du fait des limites de ses structures politico-économiques – s’est révélé de moins en moins capable de suivre le rythme des autres Etats membres.[2]

Dans ce contexte, deux conceptions d’Europe s’opposent en Italie sur base de motivations tenant à la politique intérieure. Pour les uns, l’intégration représente le moyen d’imposer des processus de modernisation qu’il serait impossible d’envisager en invoquant des raisons exclusivement intérieures. Pour les autres, notamment l’actuelle coalition de centre-droite, les contraintes européennes empêchent de recourir à nouveau à un système de type clientéliste reposant sur les dépenses publiques et le soutien de l’Etat, gage du pacte entre le gouvernement et son électorat .

Zizanie à la Maison

Si le Premier ministre Berlusconi espérait faire oublier les ombres qui l’entourent à l’intérieur, en misant sur le prestige et la réussite de sa présidence européenne, c’est précisément l’inverse qui risque de se produire. D’un côté, la fragilité de la coalition actuelle, ou « Maison des libertés » – regroupant autour du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia, le post-fasciste Alliance nationale et la populiste et xénophobe Ligue du Nord – fait sans cesse planer le spectre d’une crise de gouvernement et détourne son attention des dossiers communautaires. De l’autre, une fois projetées sur le devant de la scène européenne, les anomalies de son personnage et de ses pratiques (auxquelles ses compatriotes ont fini par s’habituer sinon se résigner, du moins tant qu’elles ne les décrédibilisent pas à l’extérieur) prennent une tout autre dimension.

 


[1] Ses bévues caucasses et vugaires mises à part – comme lorsqu’il faisait les cornes dans le dos du ministre espagnol des Affaires étrangères lors de la prise de la traditionnelle „photo de famille” européenne ou quand il estimait à une conférence de presse commune que le Premier ministre danois est assez beau garçon pour avoir une liaison avec sa propre femme –, M. Berlusconi s’est avant tout distingué en proclamant la supériorité de l’Occident sur l’islam lors d’un sommet européen, deux semaines après les attentats du 11 septembre 2001.

[2] Il suffit de rappeler que la participation de l’Italie à la monnaie unique était loin d’être garantie, que des projets allemands de noyau dur européen semblait l’exclure et qu’elle devait faire antichambre pendant plusieurs années devant l’espace Schengen parce que les contrôles à ses frontières paraissaient trop laxistes à ses partenaires.


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