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Lectures de la semaine (18 août 2013)

18 aout, 2013
Brève
Hajnalka Vincze
Le compte-rendu de la dernière audition en date de la Commission de la Défense au Parlement britannique a été mis en ligne cette semaine, avec des précisions édifiantes dans plusieurs domaines. Au-delà des escarmouches de plus en plus animées sur le dossier écossais proprement dit (dans la perspective du référendum sur la séparation, prévu pour septembre 2014), les témoignages recueillis mettent en lumière à la fois un mécontentement à propos de l’état général des forces armées britanniques, et des questionnements sur le secteur de l’armement au Royaume-Uni.
Pour ce qui est du premier point, le représentant du gouvernement d’Edinburgh, par ailleurs lui-même un vétéran de la guerre des Falklands, n’a pas mâché ses mots : le traitement réservé au personnel militaire britannique (à commencer par la précarité croissante de leur statut, et jusqu’aux épisodes absurdes où les soldats en opération extérieure ont dû acheter leurs chaussures et leurs rations à leurs propres frais) est en effet « une violation fondamentale du pacte qui doit exister entre les hommes et femmes en uniforme et leurs maîtres politiques ». Au sujet de l’industrie de défense, les interrogations que suscite dans ce domaine l’hypothèse d’une Ecosse indépendante ont été l’occasion de rappeler « la litanie des désastres que le Royaume-Uni a dû endurer en matière d’acquisition des équipements ».
 
Surtout, à la même audition, on n’a pu que constater une méconnaissance certaine des questions d’armement. Que les députés de la Commission de défense croient, à tort, que la dérogation de l’article 346 (ancien article 296) du traité de l’UE ne s’applique que pour le choix de constructeurs nationaux (et essaient d’en tirer argument pour expliquer l’exclusion des firmes écossaises des contrats UK en cas de vote pour l’indépendance), c’est une chose. Que le ministre de la Défense auditionné ne puisse même pas nommer correctement cet article du traité, pourtant clef-de-voûte de la législation européenne en matière d’armement, pourrait aussi se pardonner à la limite (surtout quand on voit que le même ministre confond également la République de Macédoine et le Monténégro, en parlant des difficultés d’adhésion à l’Alliance atlantique). En revanche, les longues élucubrations sur le soi-disant critère de la souveraineté britannique dans le domaine de l’approvisionnement en matériel militaire ne pouvaient être que le fruit d’une hallucination collective.Un pays dont les équipements conventionnels (comme les hélicoptères Apache) se retrouveraient du jour au lendemain hors de service à moins de suivre le rythme et la piste de modernisation dictés par l’Amérique, aux dates et aux coûts définis par celle-ci ; un pays dont la force de dissuasion prétendument indépendante est tributaire, en permanence, de la bonne volonté des Etats-Unis ; un pays qui se vante d’avoir rompu avec la notion de « base industrielle de défense » pour y substituer celle du seul rapport coût/efficacité – on se demande comment les responsables politiques d’un tel pays osent-ils encore, sans sourire, parler de souveraineté. Déjà pour « la construction des bâtiments de guerre complexes », que le ministre Hammond a identifiée avec fierté comme le domaine par excellence de souveraineté, il ne pouvait s’agir que d’une plaisanterie. Etant donné que, pour son prochain porte-avions, le gouvernement britannique avait été publiquement mis devant le fait accompli…
 
Les propos critiques du vice-ministre russe de la Défense Anatoli Antonov au sujet de la présence d’armes nucléaires US en Europe sont difficilement compatibles avec l’atmosphère positive et constructive décrite par les responsables de l’administration américaine à l’issue de la réunion 2+2 (entre les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays).  Ils n’en ont pas moins le mérite de faire le lien entre deux dossiers : car, en effet, le problème du dénommé « partage » nucléaire de l’OTAN est inséparable de celui de la défense antimissile. Comme noté auparavant, les arrangements nucléaires de l’Alliance soulèvent de nombreuses interrogations, dont celle sur leur conformité pour le moins douteuse avec l’esprit et la lettre du traité de non-prolifération ; d’où les remarques du vice-ministre russe. Mais il y a plus. A travers l’OTAN, les Européens se retrouvent « mouillés » dans une stratégie nucléaire défini par Washington, sans aucun contrôle et de pouvoir de décision, se félicitant déjà quand ils parviennent à obtenir un simulacre de consultation. Et ce pour le seul plaisir de pouvoir croire, et faire croire, à un hypothétique parapluie nucléaire américain au-dessus de notre continent – lequel parapluie est de toute façon, du point de vue stratégique, un non-sens. Dès lors que l’Amérique n’est plus le seul Etat doté d’une bombe atomique, il ne peut pas y avoir de dissuasion élargie. A moins de prétendre que, pour courir à la rescousse de ses alliés, Washington prendrait le risque de voir son propre territoire anéanti. Difficile à imaginer. C’est justement pour pallier ce « problème de crédibilité » que les stratèges américains ont depuis longtemps identifié la solution miracle : la mise en place d’un système de défense antimissile.
 
Surprise, surprise : la DAMB (défense antimissile balistique) fut justement l’autre sujet abordé ce jour-là par le vice-ministre russe. Notamment pour constater que, malgré ce nouveau tour de négociations, « pour le moment, aucune solution n'est en vue ». Avant d’ajouter que « Moscou suivait de près le processus de déploiement du système antimissile afin d'évaluer un éventuel danger pour les Forces de dissuasion nucléaire russes ». On peut le croire sur parole. Malgré les incertitudes techniques et financières du système US/OTAN et en dépit de la décision annoncée en mars par Washington (en prenant de court les alliés/partenaires/contributeurs européens) de ne pas aller jusqu’à la phase finale du projet, le malaise reste. Comme noté auparavant, le discours hypocrite des Occidentaux assurant que la DAMB ne remettrait pas en cause la dissuasion russe (puisque cette dernière peut compter, pour frapper l’Amérique, sur des centaines de missiles stratégiques), n’a rien à voir avec la véritable préoccupation des planificateurs de Moscou. Car ils s’inquiètent surtout de la possibilité d’une neutralisation de leur capacité de seconde frappe. Or celle-ci constitue le fondement même de la dissuasion mutuelle sur base de vulnérabilités réciproques. La DAMB, de par son principe, y introduit un sérieux élément de doute, vu qu’après une éventuelle première frappe américaine, la capacité de représailles russe pourrait ne plus suffire à la saturer. En effet, quand l’ancien directeur des programmes spatiaux avancés américains, Robert Bowman, l’a appelée « le chaînon manquant pour une première frappe », ce n’était pas pour plaisanter. 
 
 

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Tags:
royaume-uni, dissuasion nucléaire, russie, défense antimissiles, armement


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