09 septembre, 2013
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
Note d’actualité
Réduire le capital de sympathie et de respect que la France avait accumulé, de par le monde entier, grâce à l’héritage gaulliste de sa diplomatie, n’est pas chose facile. C’est pourtant ce qui risque d’arriver si le président Hollande ne rectifie pas vite l’image qu’il envoie au sujet de la Syrie.
Certes, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy courait le même risque: le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN fut une démarche aussi erronée qu’inutile. N’empêche que c’est le président Hollande qui place aujourd’hui la France dans un rôle de faire-valoir, et ce en plein milieu d’une crise internationale.
A force d’y persister, Paris se retrouverait dans une posture à la fois indigne et ingrate. Indigne par rapport à ce que sont l’image et l’essence même de la politique étrangère de la France, et ingrate du fait de ce qu’elle rapporterait en termes d’humiliations et de perte d’influence. Pour ce qui est de la continuité, Alain Plantey, ambassadeur et ancien collaborateur du Général de Gaulle se souvient entendre ce dernier déclarer « Il y a 1000 ans que je dis », sur un point de politique étrangère lors d‘un conseil des ministres. Sans prétendre placer l’analyse dans un cadre millénaire, citons toutefois le même Plantey qui se rappelle d’une instruction plutôt simple du Général-Président : « La France étant la France, vous savez ce qu’il vous reste à faire ». Ces derniers temps, on semble avoir du mal à retrouver ces repères pourtant clairs.
En revenant au dossier syrien, et pour paraphraser le Général, remarquons que, bien entendu, on peut toujours sauter sur sa chaise comme un cabri en répétant à qui veut l’entendre que la France s’aligne en toute indépendance. Mais cela ne signifie toujours rien, hélas. On est indépendant ou on ne l’est pas. Or, de ce point de vue, l’image d’un président Hollande brandissant son sabre en menaçant Damas de frappes immédiates, puis contraint d’attendre le vote du Congrès décidé et annoncé par Obama ; elle restera sans doute longtemps gravée dans la mémoire. Comme l’écritPlantey : « Celui qui commande, celui qui est le plus fort impose le délai. Celui qui accepte qu’un autre soit maître du temps a déjà accepté une subordination qui peut être grave ». Propos on ne peut plus prémonitoires.
Ajoutons-y la confusion quant à l’image de la France et au message qu’il envoie sur la scène internationale, lequel fut traditionnellement prévisible et logique, puisque formulé sur la base non pas de l’émotion mais de la raison d’Etat. Les principaux axes de la diplomatie française étaient donc invariables. Or il est à craindre que ce ne soit plus tout à fait le cas. Au lieu d’endosser son rôle de chef de file naturel pour prôner une approche spécifiquement européenne, le président français se met en tandem avec le secrétaire d’Etat John Kerry pour convaincre les plus récalcitrants de ses partenaires de l’UE de soutenir l’option américaine. Au lieu de se montrer à l’écoute de pays telle la Russie (dont la position est d’ailleurs comme le copié-collé de l’ex-argumentaire irakien de l’Elysée et du Quai d’Orsay), la France risque d’aliéner l’ensemble des BRICS. Car du groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, personne n’a signé le fameux appel des 11 à se passer du Conseil de sécurité des Nations unies. Bref, au lieu d’incarner une alternative en proposant telleou tellesolution qui lui soit propre, la France semble plutôt faire figure d’auxiliaire. Avec tout ce que cela comporte comme risque, en termes de perte de contrôle et d’influence, à en croire les Britanniques experts en la matière.
En effet, le constat du directeur de Chatham House est à méditer avant de s’enflammer pour une nouvelle version de « la plus ancienne alliance », entre la France et les Etats-Unis cette fois-ci : « étant donné la complexité byzantine de la politique washingtonienne, il a toujours été peu réaliste de croire que des puissances extérieures – aussi loyales qu’elles soient – puissent avoir beaucoup d’influence sur le processus américain de prise de décision ». Derrière cet euphémisme admirable se cache un réel désarroi. Qu’il s’agisse de déception industrielle, de trahison nucléaire, d’humiliation publique, de chantage, de marginalisationlors des préparatifs de guerre ; d’abandon sur le champ de bataille, de surcoûts exorbitants, ou de manque de respect total, les Britanniques encaissent coup sur coup dans leur « relation spéciale ».
Et c’est, pour ainsi dire, normal. Comme l’a noté Rodric Braithwaite, ancien patron du Joint Intelligence Committee de Sa Majesté : « Contrairement aux Français qui avaient préféré suivre un chemin plus solitaire mais indépendant, la coopération avec les Américains a, pour la plupart, privé les Britanniques de leur indépendance ». Avec, comme résultat, le triste constat que « dans tout ce qui ressemblerait à une vraie guerre, elles [les forces britanniques] ne pourront opérer qu’en faisant partie intégrante de forces US, sous commandement US et au service d’intérêts US ». C’est une voie dans laquelle, espérons-le, la France ne s’engagera jamais. Toujours est-il que ces jours-ci « il faut forcer notre rôle pour avoir un rôle », selon l’expression de Jean-François Deniau, négociateur français du traité de Rome. Mais, pour ce faire, il conviendrait d’abord de ne pas se tromper de rôle.
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interventions occidentales, politique étrangère de la france, syrie