29 septembre, 2013
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
Note d’actualité
Un récent billet du Center for European Reform identifie pas moins de quatre différentes approches européennes par rapport à la réorientation des USA vers l’Asie, annoncée brusquement en janvier 2012, sans ménagement aucun envers les susceptibilités euro-atlantistes.
La première propose de nous joindre au pivot de l’Amérique, en bons auxiliaires que nous sommes, puisque ce serait tellement bénéfique pour nos relations avec Washington. L’autre préconise d’entamer notre propre pivot vers l’Asie, pour des raisons commerciales avant tout, et s’il y a complémentarité entre les deux, ce serait un bonus.
Une troisième ligne de pensée, celle exprimée par le ministre britannique de la défense, conseille de laisser les USA seul maître à bord en Asie. D’une part parce que nous n’aurions ni les moyens ni l'ambition de jouer à l’échelle globale (curieux aveu de renoncement, en particulier venant de la Grande-Bretagne), de l'autre parce que c’est en prenant en charge la stabilité de notre propre voisinage que nous pouvons être les plus utiles à l’Amérique. C’est dans ce contexte que l’on se plaît à citer les responsables US, lesquels ne se lassent pas de répéter à quel point ils sont maintenant devenus adeptes d’une véritable défense européenne.
La quatrième approche consiste à se lamenter sur notre sort d’alliés abandonnés. Certains en sont extrêmement inquiets, et font des pieds et des mains pour garder les prétendues garanties de sécurité US. Comme le remarque le billet : ces pays ne croient pas que des Etats européens puissent occuper de manière crédible le vide laissé par le retrait américain. Ajoutons que d’autres veulent tout de même espérer que l’intérêt affaibli de Washington pour notre continent (de pair avec lesdits encouragements à devenir soi-disant plus indépendants) servirait d’adjuvant à l’Europe de la défense.
Hélas, les appels incantatoires des Etats-Unis pour que leurs alliés prennent plus d’autonomie montrent vite leurs limites. Comme le font remarquer l’ancien patron de l’Agence européenne de défense et son co-auteur à propos de la nouvelle posture stratégique de l'Amérique : « Les États-Unis n'attendent certes pas des Européens qu'ils agissent en toute indépendance vis-à-vis de Washington. Ils voudront que l’action transatlantique demeure pleinement coordonnée et que subsiste une interopérabilité aussi étendue que possible entre les forces et les capacités de façon, en particulier, à permettre l'utilisation d'équipements américains. »
Avec les coupes budgétaires US, et l’intensification de la concurrence sur les marchés de l’export qui va avec, on n’est pas près de voir un « désengagement » américain dans ce domaine essentiel. Pour ce qui est d’acheter US, et de saborder nos propres projets susceptibles de faire de l’ombre aux champions américains, nous resterons toujours de très précieux partenaires.
Croire à un effet bénéfique du pivot pour l’Europe, c’est aussi sans compter avec un extraordinaire paradoxe. Comme noté auparavant, « l’annonce de la réorientation stratégique américaine vers l’Asie qui, de toute évidence, confirmait les thèses « euro-gaullistes » aurait donc normalement dû conduire à une remise en cause de l’option ultraatlantiste des partenaires de Paris. Force est de constater que ce n’est pas le cas jusqu’ici. Au contraire, plus l’Amérique semble s’éloigner, plus les Européens s’empressent de lui donner des gages, en espérant ainsi rester dans ses bonnes grâces. Au lieu d’une reprise en main de notre autonomie, on assiste donc plutôt à une crispation atlantiste. »
Finalement, pour expliquer cette déraison, il convient de se rappeler que l’essentiel, pour la plupart des gouvernements européens, est de se débarrasser du fardeau financier, mais aussi politique et psychologique, que signifient les responsabilités liées à la défense de son propre pays. C’est en cela que l’OTAN est irremplaçable, en raison du mythe du parapluie américain qu’elle est censée incarner. Tant pis si celui-ci n’a jamais été crédible au niveau stratégique (pour cela, il aurait fallu convaincre tous les adversaires potentiels que l’Amérique prendrait le risque de son propre anéantissement juste pour courir à la rescousse de ses alliés). L’important, c’est de pouvoir faire baisser les budgets de la défense et occulter les questions militaires peu porteuses électoralement, en prétendant que l’Amérique sera toujours là, le cas échéant.
Comme noté précédemment, « tant que l’Europe fut au centre des préoccupations (du fait de la confrontation bipolaire) ou qu’il ne le fut plus mais cela ne se disait pas tout haut, on pouvait, à la limite, se bercer d’illusions sur l’importance de notre vieux continent sur la liste des priorités de la Maison Blanche. Tel n’est plus le cas. Le ‘pivot’ vers l’Asie y a porté le dernier coup de grâce. La subordination volontaire des Européens aux Etats-Unis apparaît comme elle est : au dire de l’ambassadeur de la Chine à Bruxelles, ‘une servilité pitoyable’. »
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défense européenne, politique américaine