Note d’actualité
La série d’attentats terroristes du milieu du mois de mai semble réactualiser un avertissement lancé il y a un an par le directeur d’Europol et jugé trop alarmiste à l’époque. En juin 2002, Storbeck expliquait que « La plupart des experts ne se demandent pas s'il y aura un attentat, mais quand il aura lieu et par qui il sera perpétré. C'est une menace pour l'Union européenne, pour ses institutions et ses citoyens ».
En effet, les explosions de Riyad et de Casablanca ont tragiquement démontré que la menace contre les ressortissants et les intérêts européens ne se limite pas, loin de là, à une attaque directe sur le sol européen. Elles ont également attiré l’attention sur le fait que si la coalition antiterroriste n’a pas relâché ses efforts (avec, certes, une efficacité qui laisse à désirer voire des entreprises qui sont carrément contreproductives), elle n’a pas pu empêcher le réseau terroriste d’échapper largement à son contrôle et elle n’a pas non plus réussi à élaborer une vision commune des priorités en matière de lutte antiterroriste.
Un ennemi fuyant mais omniprésent
Par contraste avec le discours triomphaliste du président américain qui s’est félicité le 17 mai de ce que « près de la moitié des dirigeants d'Al-Qaida auraient été éliminés » et que « la libération de l'Irak et de l'Afghanistan » aurait porté un coup terrible à la nébuleuse terroriste, un rapport publié le lendemain par l'Institut international de recherches stratégiques estime que le réseau de Ben Laden a conservé toute sa capacité de nuisance : il disposerait de 18 000 membres entraînés répartis dans 90 pays, et aurait « réussi à se réorganiser de telle manière qu'il sera encore plus difficile de le combattre ».
En ce qui concerne l’Europe – où se préparaient en grande partie les attentats du 11 septembre et où des arrestations massives se sont succédées depuis – les services de renseignement font état de réseaux encore actifs. Leurs plans d’attaque contre des cibles continentales auraient été jusqu’ici déjoués grâce à une coopération policière sans précédent et une vigilance accrue, mais ils seraient en train de préparer en priorité des actions extérieures menées au Proche et au Moyen Orient. En effet, les planificateurs terroristes semblent privilégier les attentats-suicides anti-occidentaux « en terre d’islam », qui ont l’énorme avantage de faire d’une pierre deux coups : en même temps qu’ils frappent des intérêts occidentaux (de préférence ceux des pays impliqués dans l’occupation de l’Irak, comme l’a précisé le numéro deux d’Al-Qaida dans son appel du 21 mai), ces actes sont destinés à déstabiliser les gouvernements arabes jugés trop ouverts et/ou trop liés à l’Amérique.
Efforts conjugués
Si, dans les circonstances d’après-guerre d’Irak, l’évocation répétitive par les gouvernements occidentaux de la lutte contre le terrorisme sert aussi à colmater les brèches et à aplanir les divergences sous la bannière de la cause commune, il n’en reste pas moins que la coopération antiterroriste n’a pas cessé de fonctionner même en pleine période de tensions politico-diplomatiques.
Au niveau européen, la coordination particulièrement étroite et ininterrompue des activités policières entre la France, l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne et l’Allemagne (les cinq pays traditionnellement les plus touchés par le fléau terroriste) a reçu une nouvelle impulsion à la réunion du 18 mai des cinq ministres de l’Intérieur qui ont décidé la création d’un groupe permanent d’experts pour assurer le suivi des questions liées au terrorisme et à l’immigration illégale. La collaboration systématique entre l’UE et les Etats-Unis en matière de contre-terrorisme a franchi un nouveau pas tout récemment, avec la déclaration conjointe sur l'accès des douanes américaines aux fichiers des principaux transporteurs aériens du vieux continent. Finalement, la campagne antiterroriste promet d’être le thème dominant du sommet des G8 à Evian, où seront abordées des questions concernant les circuits financiers du terrorisme, la pauvreté, les relations Nord-Sud et la lutte contre la prolifération des armes.
Mises en garde européennes
Il n’empêche que l’unanimité sur la persistance de la menace planétaire ne signifie pas automatiquement que les approches soient tout à fait identiques. On se souvient des critiques européennes qui ont suivi la déclaration du président Bush sur « l’Axe du Mal » (une conception « simpliste et absurde » selon Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères à l’époque, « liée à des considérations de politique intérieure » d’après son homologue britannique). En règle générale, sur le dossier des réponses à apporter au défi terroriste les positions européennes tendent à se rapprocher entre elles et à se démarquer de la vision manichéiste et unilatéraliste de Washington : qu’il s’agisse du sort des prisonniers talibans de Guantanamo, des relations avec l’Iran , de la (non-)marginalisation de Yasser Arafat dans la recherche d’une solution négociée au conflit du Proche-Orient, du démantèlement systématique, par les Etats-Unis, de l’architecture internationale de sécurité (en ce qui concerne les accords multilatéraux sur les armes chimiques, biologiques, les armes légères, les mines antipersonnel, le traité ABM, la Cour pénale internationale) ou de la nécessaire inclusion de la promotion du développement durable dans la lutte pour une sécurité globale.
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