Note d’actualité
Après la mobilisation spectaculaire des troupes russes à la frontière ukrainienne et les admonestations occidentales en réponse, Moscou a décidé de passer la balle à l’OTAN et à Washington. Fait inhabituel en diplomatie, il a décidé de publier au grand jour, à l'adresse de l'un et de l’autre, un projet d'accord. Ce que certains considèrent comme une base de négociation, d'autres comme un ultimatum, d'autres encore comme de la pure provocation. Le point focal des deux textes est l'expansion vers l’Est de l'organisation militaire dirigée par les États-Unis, y compris l'éventuelle adhésion de l'Ukraine à l’Alliance atlantique. Plus précisément le rejet catégorique de celle-ci. Le président Poutine pourrait ainsi frapper plusieurs oiseaux d’un coup : souder sa propre opinion publique derrière lui, tout en attisant les contradictions entre les alliés de l'OTAN, et qui plus est sur une question où, objectivement parlant, les arguments de la Russie ne peuvent être balayés d'un revers de la main.
Mythe ou promesse non tenue ?
La diplomatie russe n’a eu cesse de dire, depuis plus de deux décennies, que l’élargissement de l'OTAN vers l'Est contrevient à la promesse faite à Moscou par l'Occident à la fin de la guerre froide, selon laquelle l'alliance militaire dirigée par l’Amérique ne s'étendrait « pas d'un pouce » vers la Russie. Les dirigeants américains, européens et les grands pontes de l'OTAN ont toujours unanimement nié que de tels propos aient été prononcés. L'opinion publique a pris note que la déclaration à cet effet était au pire un mensonge, au mieux le produit de la débordante imagination slave. Sauf qu’avec l’ouverture des archives il s’est avéré que ce n’était pas du tout le cas. Dès 2014, l’historienne Mary Elise Sarotte, une des meilleures spécialistes de l'immédiate après-guerre froide, affirme dans le magazine américain Foreign Affairs qu'à la lumière de documents mis au jour, dont les propres notes manuscrites du secrétaire d'État américain James Baker: « Lors des pourparlers de février 1990, des responsables américains et ouest-allemands ont fait comprendre à Moscou que l'Alliance ne s'élargirait pas ». Mais pas d’engagements écrits, que des paroles en l’air.
(Crédit photo: Portfolio.hu)
Depuis lors, l’OTAN a pratiquement doublé le nombre de ses Etats membres et, pour rassurer les nouveaux adhérents, elle a repoussé toujours plus vers l’Est ses missiles, ses entrepôts, ses exercices militaires. Tout cela, d’après les mots de Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, se faisait « en dépit des protestations de la Russie ». Au prétexte qu’aucun Etat tiers « ne peut pas avoir de droit de veto » sur les décisions de l'Alliance. Il n’empêche : de l’autre côté de l’Atlantique, de plus en plus d’experts se rendent compte, avec le recul, de l’erreur d’une stratégie d'élargissement sous le signe du « tout ou rien », faisant fi des préoccupations de la Russie. L’un des plus éminents d’entre eux, Richard Haass écrit : « L’élargissement de l’OTAN vers l’Est fut la politique le plus significative et la plus controversée de la période de l’après-guerre froide ». Dans son livre il fait état du débat, à l’époque, à la fois aux USA et entre alliés, les uns voyant l’extension de l’OTAN comme une politique judicieuse, les autres l’estimant provocative. Pour sa part, il aurait préféré voir un renforcement du programme Partenariat pour la Paix des années 1990. D’après Haass, il n’y a pas de doute : « le choix de l’élargissement a joué un rôle dans l’aliénation de Moscou ».
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