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La défense européenne au centre des débats

Journal Francophone de Budapest - 03 décembre, 2003
Note d’actualité
Hajnalka Vincze

Quelques mois après le paroxysme de la crise irakienne (du moins en ce qui concerne les affrontements transatlantiques et intra-européens qu’elle avait engendrés), en pleine phase finale de la Conférence intergouvernementale (CIG) censée décider de la Constitution européenne, et à la veille de l’adhésion des dix nouveaux membres à l’Union, le dossier de la défense européenne semble avoir atteint son heure de vérité.

Or, sur ce point, ce n’est pas que d’une force de réaction rapide, de moyens de transport stratégique, de noyau de planification opérationnelle ou d’autres problèmes « techniques » qu’il s’agit. Les questions soulevées portent, au contraire, sur les deux conditions fondamentales qui définiront, à l’avenir, les cadres – aussi bien les potentialités que les limites – du projet européen : à savoir la flexibilité (comme principe d’organisation à l’intérieur) et l’autonomie (en tant que concept fondamental des relations avec l’extérieur).

La défense dans le projet de Constitution

En matière de défense européenne, le projet de Constitution renoue avec de nombreuses idées préexistantes et les inclue sans faire la distinction entre celles dont l’adoption est quasiment acquise et celles, plus ambitieuses, dont même l’évocation constitue une audace politique inhabituelle. Pour ce qui est de la première catégorie, la mention du défi terroriste a été savamment utilisée pour calmer les inquiétudes de Washington et surmonter les blocages traditionnels qu’elles engendrent au sein de l’UE. Ainsi, des innovations telle l’inclusion d’une clause de solidarité en cas d’attaque terroriste et de catastrophes, de même que l’élargissement des types de mission qui entrent dans la compétence de la PESD (politique européenne de sécurité et de défense) – lesquels comprendraient ainsi l’assistance à des pays tiers dans la lutte contre le terrorisme ou encore des opérations de désarmement – sont-elles susceptibles d’être avalisées par la CIG. En revanche, sur les dossiers ultrasensibles de la coopération structurée (la possibilité pour des pays plus ambitieux d’aller en avant avec le projet d’une défense européenne indépendante, sans attendre l’accord des plus réticents) ou celui de l’engagement de défense collective conclu parmi les Etats membres qui sont disposés à s’y souscrire, seuls le rejet total ou la dilution du projet initial sont à prévoir.

« Une Europe sûre dans un monde meilleur »

Et ce n’est pas la première stratégie de sécurité européenne, actuellement en gestation, qui changerait quoi que ce soit à la situation. Ce chef d’œuvre de l’ambiguïté conciliante (dont la première version, portant le titre indiqué ci-dessus, a été présentée en juin par le Haut Représentant pour la PESC, lequel soumettra le texte définitif aux Quinze lors du prochain sommet de Bruxelles en décembre) rappelle, de par sa structure, sa terminologie et l’ordre de ses priorités, la « Stratégie de sécurité nationale » américaine, tout en se contentant – sur les questions plus substantielles – de phrases creuses, de solutions alambiquées ou de propositions timides, quasi dissimulées.

L’épineuse question de l’autonomie européenne

En dépit des efforts acharnés pour établir un semblant de convergence entre les deux rives de l’Atlantique, et entre deux visions de l’intégration totalement différentes, la question cruciale pour l’avenir politico-stratégique de l’Europe se pose désormais ouvertement. Face à des initiatives visant à mettre sur pied des capacités européennes de planification opérationnelle, les responsables américains ne se soucient plus de cacher leur jeu et s’opposent fermement à tout ce qui pourrait signifier les premières bribes d’autonomie pour l’Union européenne en matière de défense. Ils en sont irrités à un tel point que l’ambassadeur américain à l’OTAN, allait même jusqu’à déclarer que  l’idée d’une cellule de planification européenne autonome représente « la menace la plus significative pour l’avenir de l’Alliance ».

En l’état actuel des choses, l’état-major de l’Union européenne (EMUE) n’a de compétence que pour la planification dite de stratégique. Afin de monter une opération, l’UE doit donc recourir soit aux capacités de planification de l’OTAN (c’était le cas pour l’opération Concordia en Macédoine), soit à un état-major national – « européanisé » pour l’occasion – de l’un des Etats membres (comme pour l’opération Artémis en République démocratique du Congo, dirigée et suivie à partir de Paris). Or, quatre pays (La Belgique, la France, l’Allemagne et le Luxembourg) avaient proposé fin avril de constituer entre eux un « noyau de planification opérationnelle » autonome. L’initiative fut tout de suite diabolisée, puis neutralisée par une contre-initiative de la Grande-Bretagne qui a suggéré de placer une cellule de planification opérationnelle européenne… au SHAPE (Commandement Suprême des Forces Alliées en Europe). La solution résidera sans doute quelque part entre les deux (unité mobile ou deux « cellules » parallèles), mais à terme l’élargissement du mandat et du personnel de l’EMUE (pour y inclure la composante opérationnelle) semble le scénario le plus vraisemblable, même s’il devra forcément être assorti de gages de fidélité transatlantique. Car la culture de « l’ambiguïté constructive » a la vie dure, en particulier lorsqu’il s’agit de l’idée d’une Europe politique indépendante.


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Tags:
europe de la défense, avant-garde


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