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Interrogations sur la place de l'instrument militaire à l'UE

07 octobre, 2014
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
A l’approche de la fin de son mandat, le directeur général adjoint (britannique) de l’Etat-major de l’UE a souhaité lancer une mise en garde, certes prudente, mais qui n’en est pas moins claire. Dans le fond, il s’agit de défendre la légitimité d’une composante militaire digne de ce nom au sein des instances de l’Union européenne. Comment s’intégrer aux autres composantes (beaucoup plus puissantes) sans s’y fondre, telle est bien la question.

Comme le dit le contre-amiral Williams, « L’intégration ne signifie pas un processus d’amalgame. Notre force collective doit s’appuyer sur nos attributs uniques – nos différences – et non pas aboutir à l’inféodation de l’instrument militaire à la masse diplomatique beaucoup plus importante du SEAE [Service européen d’action extérieure]. L’atout unique du volet militaire est comment il arrive à proposer une recommandation militaire collective (et non pas une palette d’opinions militaires) à travers le processus d’état-major – une méthode qui a fait ses preuves »
 
 
Or si le directeur adjoint sortant éprouve le besoin de rappeler ces évidences, c’est parce qu’elles risquent d’être balayées, justement. L'ancien représentant de la France au COPS (Comité politique et de sécurité de l’UE) en a déjà fait le constat il y plus d’un an. D’après l’ambassadeur Falconi : « Pour certains, l’Union européenne ne faisant plus que des opérations militaires de faible ampleur, il est inutile de conserver un état-major et mieux vaut se concentrer sur le civil. Pour d’autres, les structures de gestion de crise ne sont pas suffisamment en interaction avec les directions politiques géographiques, et il faudrait les éclater. La France se bat contre cette idée, qui rendrait désormais impossible toute opération de type Tchad ou RDC. En outre, perdre la compétence que représentent ces structures, au motif qu’on met un peu de sécurité partout pour faire plaisir, c’est l’assurance de se priver à jamais d’instruments ». 
 
Il est réjouissant de voir un haut gradé britannique partager la même ligne d’analyse. Au fait, le contre-amiral Williams y ajoute même un sentiment d’urgence. Notamment à cause de l’insuffisance de plus en plus flagrante des effectifs de l’EMUE par rapport à leurs tâches croissantes. « Un personnel limité en nombre, de pair avec une compétence qui s'étend des concepts et du développement capacitaire jusqu’aux opérations en cours, signifient que l’effort d’hiérarchisation est vital. Mais on ne peut pas étirer la corde que jusqu’à un certain point, et on atteint maintenant vite les limites de l'EMUE ».
 
Complétons-le avec un autre souci, celui d’assurer la qualité des officiers envoyés par les Etats-membres. Sur ce plan, la concurrence est d’ailleurs bien réelle (depuis le lancement de la politique européenne de défense) entre l’UE et l’OTAN pour savoir vers laquelle des deux on envoie les meilleurs éléments. Ce n’est pas un hasard si le directeur général Wosolsobe lance un appel aux gouvernements : « Il est important de noter qu’une telle performance ne peut être soutenue que si les Etats membres continuent à nous envoyer du personnel militaire de haute qualité ».
 
« De toute évidence, poursuit-il, les officiers bien formés sont une ressource rare et leur affectation à Bruxelles pèse souvent d’un poids supplémentaire au niveau national. Par conséquent, on devrait les envoyer dans des enceintes où l’expertise militaire renforce l’effort collectif, et l’EMUE devrait être très largement prioritaire à cet égard ». Certes. A moins de considérer, comme beaucoup, que l’EMUE (et la politique de défense de l’UE dans son ensemble) ne sont qu’une duplication inutile de la merveilleuse machinerie OTAN… 

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Tags:
défense européenne, approche globale


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