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A la réunion de l’OTAN, bon courage pour parler de renseignement

24 juin, 2015
Note d’actualité
Hajnalka Vincze
L’ambiance n'est pas assurée, pour la réunion ministérielle de l’Alliance atlantique aujourd'hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la démonstration prévue de la parfaite unité transatlantique est quelque peu entachée par les toutes récentes révélations de Wikileaks sur l’espionnage américain contre trois présidents de la République successifs. L’actuel chef de l’Etat y compris. 

Comme les révélations qui se succèdent et se confirment depuis deux ans n’ont manifestement pas été suffisantes pour susciter en France une quelconque réaction digne de ce nom de la part des dirigeants, Wikileaks revient à la charge. En précisant, preuves à l'appui, que l’Elysée elle-même fut la cible de la NSA. Certains (en général des politiques) en profitent pour s’offusquer de cette pratique « inadmissible entre amis », tandis que d’autres (les experts et initiés) dédramatisent en parlant de « secret de polichinelle » et de « pratique courante » dans les services.
Quoique vrai, le constat « tout le monde le fait » passe à côté de l’essentiel. D’une part, si le fait d’être à la fois partenaire et cible n’a rien d’étonnant dans le monde de la Realpolitik qu’est le renseignement, l’exercice se complique dès qu’il s’agit des Etats-Unis. Avec l’Amérique, le partenariat est à la fois inégal et ingrat. On se souvient du président Hollande qui, au moment de la première salve de révélations Snowden/NSA, a dû publiquement demander que Washington veuille bien lui fournir « les informations que la presse sait déjà ».
 
Surtout, la révélation de l’espionnage jusqu’aux portables mêmes des présidents français porte un coup dur au grand récit de la parfaite communion occidentale. De ce point de vue, le timing est impeccable. La publication des informations survient à la veille d'une réunion très attendue des ministres de l’OTAN. Les 28 espèrent y donner l’image d’un « Occident » soudé, et annoncer des mesures de fermeté qui se préparent depuis des mois dans les chancelleries.
 
Or le renseignement est, et a toujours été, un des talons d’Achille du grand récit transatlantique. Et ce même au-delà de la complexité des relations partenaires-cibles. Pour ce qui est de ces dernières, il suffit de rappeler que, début juin, les Etats-Unis n’ont pas hésité à suspendre la coopération en matière de renseignement avec les forces allemandes sur le terrain (en Irak, dans la coalition dirigée par l’Amérique), pour marquer leur mécontentement avec l’enquête parlementaire à Berlin qui risque de donner lieu à des fuites.
 
Plus généralement, au sein de l’Alliance, le renseignement venu d’outre-Atlantique a toujours été un des outils de « persuasion » des alliés dans un sens conforme aux souhaits des Etats-Unis. Comme le dit le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, « la vraie difficulté avec l’OTAN, c’est que le renseignement américain y est prépondérant ». Et pour donner un exemple, il rappelle que « L’OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse (…) La suite a montré que nous avions raison ». N’empêche, « on a cherché à nous forcer la main au sujet de l’Ukraine »
 
Or le partage du renseignement, dans un esprit de confiance, serait un des clés pour que le fameux Plan d’action réactivité de l’Alliance (l’ensemble desdites mesures de fermeté) ait un tant soit peu de crédibilité. Deux rapports récents de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN le soulignent : pour l’un, le Plan d’action réactivitéporte le thème du partage du renseignement au premier plan, pour l’autre ce même partage serait indispensable pour que le PAR ne se résume pas à un simple inventaire d’outils existants. 
 
En effet, sans appréciation commune de la situation, il n’y a pas de consensus possible. Et sans consensus, le pimpant Plan, de même que les forces de réaction rapide et très rapide qui se trouvent dedans, sont voués à la paralysie. Or aujourd’hui, il semble que le volet « renseignement » est plutôt mal parti…

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Tags:
affaire nsa/snowden, renseignement électronique, relations transatlantiques, otan, renseignement


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