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Visions et contre-visions, ou sur les contradictions fondamentales des relations transatlantiques

Külügyi Szemle 2003/4 - 01 décembre, 2003
Etude et analyse
Hajnalka Vincze

La crise irakienne n’a fait que révéler au grand jour les tensions structurelles des relations euro-américaines, couvées depuis des décennies et devenues plus épineuses après la fin de la période bipolaire. Outre la pseudo-vision officielle et les visions d’occasion représentées par les inconséquences allemandes, les deux grandes visions, concurrentes l’une de l’autre, sur l’Europe, les relations transatlantiques et l’ordre international sont défendues par la Grande-Bretagne et la France.

Il y a consensus pour reconnaître l’importance capitale du partenariat avec les Etats-Unis ; pour souhaiter le maintien et le développement – de préférence sur la base de la réciprocité – de ce partenariat ; et sur la priorité donnée aux réponses multilatérales lorsqu’il s’agit de relever les défis. Par contre, les solutions préconisées par Londres et Paris pour arriver à ces objectifs communs sont, elles, diamétralement opposées. La Grande-Bretagne, conformément à ses affinités traditionnelles, est persuadée que le meilleur moyen pour orienter la seule hyperpuissance vers une direction proche des priorités européennes et pour influencer ses décisions le plus possible (en général dans le sens de la multilatéralisation), c’est de se lier étroitement – jusqu'au point de se subordonner – à elle en tant que l’allié le plus fiable. La France, pour sa part, affirme que seul un allié capable de décider et d’agir de façon autonome, et d’offrir ainsi une alternative crédible à la communauté internationale, serait à même d’exercer une réelle influence sur les Etats-Unis. La situation actuelle est d’autant plus piquante qu’il est devenu évident de part et d’autre de La Manche que ni Londres ni Paris ne peut espérer mener à bien son projet qu’à travers une action européenne unie. C’est qu’aucun des deux n’a la « masse critique » (même pas en constituant des coalitions ad hoc) pour avoir une influence significative – par la méthode de son choix – sur le cours des événements. Et c’est là que les divergences sur le contenu et sur l’articulation politico-institutionnelle de l’intégration deviennent intéressantes. Tandis que la Grande-Bretagne attend de l’élargissement le triomphe de son concept d’Europe-supermarché (dilué et indissociablement lié aux Etats-Unis), la France, elle, explore les modalités de mise en œuvre du projet d’Europe-puissance (d’abord dans un groupe plus restreint d’Etats prêts à aller plus loin et plus vite dans l’intégration) ». A propos des visions d’un ordre mondial unipolaire ou multipolaire, qui se trouvent derrière ces concepts, il convient d’examiner d’abord en détails les « mystifications auto-déniantes » des avocats d’un unipôle transatlantique. La vacuité des rhétoriques prétendant une « solidarité naturelle », un « partenariat équilibré » ou encore « l’identité des valeurs et des intérêts » est démontrée et re-démontrée sans cesse, à travers d’innombrables exemples. Dans les visions de la multipolarité, le rôle de l’Europe en tant que (contre)poids potentiel assurerait le fonctionnement mutuellement bénéfique du principe des « contrôles et des contre-pouvoirs ». Les débats sur le caractère structurel ou conjoncturel (i.e. qui varierait en fonction des administrations) des tendances unilatérales de Washington « sont totalement futiles et passent à côté de l’essentiel. Une Europe autonome, capable de décider et d’agir de façon indépendante, est nécessaire comme « assurance ultime » (contre les mauvais tours du destin ou des machines de vote de la Floride), même si l’on veut croire aux thèses – au moins douteuses – selon lesquelles la source de tous les maux est à chercher dans les abus de l’actuel gouvernement néo-conservateur. Il faut également rappeler que dans les projets d’Europe-puissance, la multipolarité – et donc la transformation d’Europe (l’exemple le plus réussi du multilatéralisme) en un pôle de pouvoir – n’est pas seulement une fin en soi, notamment pour équilibrer des relations internationales trop déséquilibrées. Elle est en même temps la condition sine qua non d’un véritable multilatéralisme, basé sur le respect mutuel.

(résumé)


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Tags:
relations transatlantiques, france, royaume-uni, allemagne


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