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Une avant-garde pour préserver et renforcer la souveraineté européenne

Pour une Europe européenne (ed. H. de Grossouvre) - 14 septembre, 2007
Ouvrage collectif
Hajnalka Vincze

« L’avant-garde européenne n’a de sens et de légitimité que si elle est inspirée par une vision stratégique, visant au renforcement de tous les aspects de la souveraineté européenne. Seul un tel projet pourra contribuer à la préservation d’une ‘certaine idée de l’Europe’ : un acteur géopolitique à part entière capable de garantir notre sécurité, de promouvoir nos valeurs et nos intérêts et de défendre notre modèle économique, social, environnemental et culturel. Pour ce faire, il faut clairement se démarquer des scénarios alternatifs et veiller à ne pas céder aux facilités et aux fausses sirènes.

Comme le général de Gaulle l’avait remarqué déjà en 1964 : ‘Mais quelle Europe ? C'est là le débat. En effet, les commodités établies, les renoncements consentis, les arrière-pensées tenaces ne s'effacent pas aisément. Suivant nous, Français, il s'agit que l'Europe se fasse pour être européenne. Une Europe européenne signifie qu'elle existe par elle-même et pour elle-même, autrement dit qu'au milieu du monde elle ait sa propre politique. Or, justement, c'est cela que rejettent, consciemment ou inconsciemment, certains qui prétendent cependant vouloir qu'elle se réalise. Au fond, le fait que l'Europe, n'ayant pas de politique, resterait soumise à celle qui lui viendrait de l'autre bord de l'Atlantique leur paraît, aujourd'hui encore, normal et satisfaisant.’

L’exigence intransigeante en matière de souveraineté européenne – en particulier, par la force des choses, vis-à-vis des Etats-Unis, mais également au regard d’autres grands pôles du monde d’aujourd’hui – doit être le fil conducteur du projet d’avant-garde. Même si, à court et peut-être aussi à moyen terme, la préservation et le renforcement de ses bases concrètes passe par des sacrifices inévitables. En effet, le déséquilibre entre les volets économique et politique de la construction européenne mène inexorablement à une nivellation par le bas des ambitions. Etant donné qu’il n’y a pas de priorités et de préférences stratégiques communautaires qui puissent faire contrepoids à la pure logique du marché intérieur, ceux qui se donneraient des objectifs plus exigeants (en matière sociale, culturelle, environnementale, de recherches ou de défense) se verraient pénalisés dans la course à la croissance par rapport au reste des Etats-membres.

Pour remédier à cette situation, la création d’une avant-garde pour constituer une masse critique ne peut apporter de réelles réponses que si ce groupe ‘pionnier’ est capable d’assumer pleinement ses priorités politico-stratégiques. Ses membres doivent donc être unanimement engagés sur les deux sujets contentieux qui constituent la pierre d’achoppement de tout projet stratégique à l’échelle de l’Union européenne : à savoir l’attitude envers l’idée de la puissance et celle concernant l’idée d’autonomie. Car afin de garder toute leur crédibilité et maximiser leur position de négociation dans les domaines les plus divers, les Etats de l’avant-garde doivent afficher d’emblée une politique responsable en termes de souveraineté, laquelle ne tolère ni l’aveuglement de l’angélisme pacifiste ni les réflexes de subordination atlantiste.

En ce qui concerne la mise en œuvre pratique du projet, il convient d’abord de poser en des termes extrêmement clairs la primauté de ces considérations de souveraineté. Car même si l’on peut espérer l’adhésion éventuelle de tous, à terme, au projet, le lancement de l’avant-garde ne s’inscrit pas dans une logique d’Europe à plusieurs vitesses. Au moment de la mise en route, il s’agit fondamentalement de l’expression non pas de rythmes variés, mais de volontés politiques différenciées. Il faut donc procéder avec la plus grande fermeté en ce qui concerne l’attachement au contenu stratégique de l’initiative. Sous peine de se retrouver, à force de concessions successives pour obtenir l’accord des uns et des autres, à la case départ des Vingt-cinq.

Dans le même temps, il faut veiller à ne pas apporter de l’eau au moulin de ceux qui souhaiteraient ‘désagréger’ l’Union européenne et diluer les acquis de son demi-siècle de construction. Au fait, la politique américaine envers les idées d’intégration à géométrie variable en Europe est riche d’enseignements. Fidèle à la devise ‘diviser pour mieux régner’, Washington n’a a priori rien contre une Europe en plusieurs cercles. Au contraire. Comme l’avait conseillé une analyse du fameux Heritage Foundation au président George W. Bush  à la veille de sa tournée européenne en février 2005 : ‘Une Europe où les Etats agissent de manière flexible plutôt que collectivement, permettrait à l’Amérique de s’engager sur le continent avec plus de succès. L’administration Bush devrait soutenir le concept d’une Europe à plusieurs vitesses, basée sur le principe que chaque Etat ait un plus grand choix en ce qui concerne son niveau d’intégration avec Bruxelles’. Outre cette préférence nette pour une Europe à la carte, l’Amérique est également toujours prête à ‘récupérer’ ceux des Etats membres (présents ou futurs) de l’UE qui se sentent mis à l’écart ou marginalisés. »

Extrait.

(In: Pour une Europe européenne - une Avant-garde pour sortir de l'impasse, dir. Henri de Grossouvre, Xenia Editions, 2007)


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Tags:
avant-garde, ue


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